Les entretiens du webjournalisme, organisés par l’Observatoire du Webjournalisme (Obsweb), se sont poursuivis ce mardi à l’Université de Metz. Au menu : sécurité informatique liée aux données des journalistes, modèles de financement pour la presse en ligne et gestion des ressources humaines face aux contraintes du journalisme numérique.

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Trois tables rondes étaient programmées ce mardi à l’Université de Metz. La première a dévoilé des astuces pour contrer le piratage et l’espionnage des données. Emmanuel Rousselin, webmestre, débute la conférence:  » Il faut responsabiliser les journalistes au bon usage d’Internet. » Suite à une démonstration de hacking en direct sur le site de webullition, il prouve qu’il est très facile d’accéder à des données grâce à un simple logiciel de piratage disponible gratuitement sur Internet.

Responsable de la sécurité informatique à l’Université de Metz, Yves Agostini a rappelé quelques règles de base pour protéger ses données: « Les mises à jour régulières, les sauvegardes des données et la possession d’un antivirus sont les protections élémentaires. Il faut également renouveler souvent ses mots de passe et penser à en utiliser des complexes. Dans l’idéal, ne pas hésiter à crypter ses documents, surtout lorsqu’on souhaite les transférer par mail, afin de conserver une discrétion absolue. »

Renaud Chenu, journaliste à Bakchich, avoue : « Je suis béotien quant aux règles de sécurité sur Internet. Est-ce qu’il est vraiment nécessaire de se mettre dans un cadre paranoïaque contre toutes les attaques possibles ? Je suis journaliste, pas informaticien. Tout ne passe pas par l’informatique et dans tous les cas il faudrait songer à une démocratisation du langage informatique, souvent trop complexe. »

Jean-Marc Manach, journaliste au Monde.fr et à Owni.fr, objecte :     « La question n’est pas tant de sécuriser sa machine mais de faire en sorte de ne pas être traçable de manière générale pour un journaliste. Je ne suis pas parano, j’estime seulement qu’il y a un défaut de prise de conscience chez les journalistes et il va falloir qu’un changement de mentalité s’opère car ce n’est pas normal d’être espionnable. Il faut donner aux gens les moyens de se protéger. Les journalistes sont nuls et ont envie de le rester ! Pourquoi se priver de ce qui est à notre portée ? » Agacé, il poursuit : « On a énormément à apprendre des informaticiens, il ne faut pas cloisonner les professions, c’est une erreur. »

Chercheur à l’université de Namur, Quentin Van Enis clôt cette première table ronde du jour : « Pour la Cour européenne des Droits de l’Homme, la protection des sources est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse et elle permet au véritable journalisme d’investigation de se déployer et de remplir son rôle de chien de garde de la démocratie. « 

Différentes stratégies de financement

Lors de la seconde table ronde, Nathalie Pignard-Cheynel, coordinatrice Obsweb, tient à apporter une précision concernant la presse en ligne : « On ne parle plus de pure-players, mais de Nel pour ‘nés en ligne’. Aujourd’hui, pour la presse en général, le mot rentabilité  revient souvent à la diversification des supports ».

Nicolas Voisin, directeur de publication de Owni.fr et PDG de 22 mars, précise : « On fait du journalisme augmenté avec au sein de notre rédaction un tiers de journalistes, un tiers de développeurs et un tiers de designers. Nous sommes dans la culture du partage. » Il ajoute: « On ne vit pas de l’audience que fait notre site, notre chiffre d’affaire provient à hauteur de 40% du développement de sites de publication, de 40% de datajournalisme et les 20% restants proviennent de notre pôle de formation agréé en conseil et design de sites web. »

Journaliste pour Rue89, Julien Martin explique en quoi la stratégie économique de son journal diffère de celle d’Owni.fr: « La majorité de nos revenus provient de la publicité. Nous sommes présents sur plusieurs supports, dont récemment le papier, qui nous                permettent d’augmenter nos revenus publicitaires. Nous espérons atteindre l’équilibre d’ici 2011. »

Vers un changement des mentalités vis à vis du web

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La dernière table ronde a abordé les questions de gestion des ressources humaines avec le passage au support numérique des rédactions. Selon Anne Carbonnel, coordinatrice Obsweb : « Deux tiers des journalistes pensent que le web est une opportunité pour leur carrière. »

Mais des résistances demeurent. Amandine Degand, chercheuse à l’Université de Louvain, évoque un certain malaise de la part des journalistes traditionnels : « Ils ont du mal à s’orienter vers le web car pour eux subsiste une barrière technique, une multiplication des tâches qui entraine une pauvreté des contenus, et des horaires contraignants (travail le dimanche, par exemple). »

Bertrand Coudreau, commissaire au Syndicat national des journalistes (SNJ), poursuit : « La plupart des journaux n’ont pas augmenté le nombre de journalistes à l’arrivée du web, ce qui a entrainé une souffrance due à la charge de travail. On occulte des sujets, les sources sont moins vérifiées. Tenir un calepin, un stylo, un appareil photo et une caméra dans les mains, ça fait beaucoup! ». Il ajoute : « Les salaires sont à la baisse, la médiane se situe autour de 1800 euros nets. Cela prouve que l’on fait ce métier par passion et non pour faire fortune. »

A l’issue de ces tables rondes, Arnaud Mercier, coordinateur du projet Obsweb, a annoncé qu’un programme européen et international d’étude du webjournalisme sera mis en place d’ici 2011: « Obsweb est un cercle concentrique qui doit grossir. » Des entretiens pluri-annuels succèderont également à cette première édition qui scelle une collaboration entre les laboratoires et la licence professionnelle de webjournalisme.