Les férus de hip-hop rodés aux battles des Dmc, alléchés par la platine sur le flyer, en seront pour leurs frais. Il était plus question ce soir d’une fanfare harmonieusement dissonante que d’une compétition de poids lourds du scratch. Du son plus que de la musique.

La première « performance » de la soirée est assurée par Ignaz Schick et Katsura Mouri. Le teuton torturé descend tout droit de la lignée industrielle allemande, à mi-chemin entre les intros sidérurgiques de Kraftwerk et la musique contemporaine martiale d’un Stockhausen. La mutine japonaise triture des câbles et malmène ses vinyles recollés avec une espièglerie toute nippone.

Pas vraiment la pièce sonore la plus aboutie, mais elle a ceci de commun avec les autres « actes » musicaux de la soirée : une recherche sonore perpétuelle. Ignaz Schick, surtout, symbolise ce côté laboratoire. Pur look geek, il fait tourner sa platine à vide, balance divers objets sous le bras de son instrument. Vaisselle, cymbales, plastique, cuivre, verre… Une vraie quincaillerie ! Un travail sur l’interaction homme-objet parfois éprouvant mais toujours fascinant.

Deuxième « morceau » : grâce à Martin Tetreault et surtout eRikm, le hiphopper dubitatif a enfin quelques branches ténues auxquelles se rattraper. Pour la première fois, sous la patte du Français, on peut apercevoir l’aller-retour caractéristique du scratch. La comparaison s’arrête là : les breakbeats ne décollent jamais, comme un ultime pied de nez au turntablism conventionnel. ERikm triture tous les boutons à sa disposition et pianote sur son pad . A sa gauche, le discret Martin Tetreault nous joue un drôle de numéro. Il tape la feutrine de sa platine avec un vinyle gondolé ou s’amuse à scratcher un disque de cellulose.


Symphonie de l’apocalypse


Ensuite, pour la première fois, les 4 DJ’s se réunissent pour un morceau commun. On comprend alors plus que jamais la passion et le projet qui habite ces quatre artistes. Détruire pour créer, créer pour détruire? Les Turntable Titans ne tranchent pas. On s’attendait à un chaos sonore doublement plus déstabilisant avec les quatre « freaks » aux platines. Le quartet improvise une pièce sonore pensée à la manière d’une symphonie, d’une peinture pointilliste. Chacun apporte sa petite touche, même s’il est vrai que les extravagances « matérialistes » de Schick et le bruitisme habité d’erikm sortent du lot.

Un ovni musical. Certains spectateurs interloqués ont d’ailleurs quitté rapidement la salle. Les quatre alchimistes du scratch n’en ont cure.