Depuis plus d’un an, la culture vit au ralenti. D’un côté, les acteurs du monde de l’art vivant demandent la réouverture des salles et une revalorisation de leurs droits. De l’autre, des artistes organisent des expositions dans leurs ateliers pour continuer à faire vivre leur art.

À Nancy, les manifestants entrouvrent le rideau du théâtre de la Manufacture 

Le 4 mars dernier, une cinquantaine de militants occupaient le théâtre de l’Odéon à Paris. Vingt jours plus tard, c’est près de 80 théâtres qui ont rejoint ce mouvement. Un bouillonnement culturel d’ordre social pour les intermittents du spectacle notamment présents à Nancy. 

Théâtre de la manufacture de Nancy – photo Emile Kemmel

Vendredi, c’est le Centre Dramatique National (CDN) de la Manufacture de Nancy qui s’est glissé dans les bottes du plus italien des théâtres français à coup d’assemblées générales et d’occupations nocturnes. Un mouvement en pleine croissance dans la ville de Nancy, autorisé par la directrice de la manufacture, Julia Vidit. Avant d’occuper les lieux, les artistes, techniciens, intermittents du spectacle et de l’emploi se sont engagés à respecter un protocole à la lettre. L’accès à la grande salle est autorisé lors des AG alors que “La Fabrique » (salle annexe) peut accueillir jusqu’à 20 personnes pour les périodes de travail. Les occupants bénéficient des quatre loges du théâtre pour la nuit au cours desquelles un peu moins d’une dizaine d’entre eux se retrouvent. 

Un mouvement qui se veut social et culturel 

Ne pas cantonner la mobilisation à la culture, c’est la ligne de conduite de Gaël Leveugle et Aurélie Lussert, responsables du pôle presse et membres initiateurs de l’occupation du théâtre de Nancy. À chaque lieu ses revendications, mais le mouvement s’argumente sur des enjeux communs : abrogation de la réforme d’assurance chômage, soutien aux caisses sociales spécifiques du spectacle et prolongation de l’année blanche ainsi que son élargissement à tous les travailleurs précaires. Et il y a bien une chose qui agace : l’exception culturelle que renvoie le mouvement aux yeux de l’opinion publique. Si l’occupation massive des lieux culturels fait évidemment écho à l’actuel arrêt sur image du monde de la culture, le collectif compte dénoncer toutes les situations de précarité. “La misère que cette crise entraîne ne se résoudra pas avec la simple réouverture des lieux culturels. Cette réouverture doit s’accompagner des mesures sociales nécessaires.”, précise un communiqué. 

  • Les occupants ont affiché leur mécontentement sur le devant du CDN de la manufacture de Nancy
  • Une assemblée générale se tenait le dimanche 21 mars dans la grande salle du théâtre de la manufacture

“L’autonomie individuelle n’arrivera que dans la solidarité collective.”

Selon une étude réalisée par la GECE, 81% des français se sentent touchés par la fermeture des théâtres, des salles de concert, des musées et des cinémas. Hortense, présente à l’AG du 21 mars à la manufacture de Nancy s’insurge, “L’autonomie individuelle n’arrivera que dans la solidarité collective […] on aboutira à une mobilisation s’il n’y a pas que des gens du spectacles qui se sentent concernés”.  Malgré l’ampleur du mouvement, les organisateurs de l’occupation nancéienne estiment que le combat n’en est qu’à ses prémices, “Se mettre à l’arrêt, forcément ça va pas se voir […] C’est pas que ça nous embêterait pas de se faire exclure, mais au moins on en parlerait”.


Parcours d’artistes : faire vivre l’art malgré tout

Si les musées restent fermés au public, la 12e édition du festival « Parcours d’artistes » arrive à point pour les amateurs de culture en manque d’expositions. Cette année, ce sont 36 lieux, dont de nombreux ateliers d’artistes messins, qui accueillent le public dans le respect des mesures sanitaires.

Patricia Gérardin devant son atelier rue Taison – photo : Émile Kemmel

L’artiste Patricia Gérardin a installé son atelier de gravure rue Taison il y a 14 ans. Quelques temps après son arrivée, elle a initié les parcours d’artistes un peu sur un coup de tête, avec d’autres artistes de la colline Sainte-Croix : « Et si on ouvrait nos ateliers au public ? », se sont-ils demandé. Succès garanti pour les 7 ateliers participants à cette première édition. L’évènement est renouvelé l’année suivante. Au fil des ans, la manifestation a pris de l’ampleur jusqu’à accueillir 160 artistes en 2017.

80 artistes, 36 lieux

Cette année, Parcours d’artistes prend une tournure particulière à cause des mesures sanitaires. L’évènement se déroule sur deux week-end au lieu d’un seul les années précédentes. Pour permettre une amplitude horaire suffisante avec les horaires de couvre-feu d’une part, et pour éviter les attroupements d’autre part. Bien que le festival soit devenu une biennale, Patricia Gérardin compte bien organiser la 13e édition l’année prochaine, en 2022, dans de meilleures conditions et pour que les lieux culturels qui n’ont pas pu ouvrir cette année comme le FRAC puissent également participer.

80 artistes exposent dans 36 lieux différents à travers la ville : « Tout le monde n’a pas un atelier accessible, certains travaillent dans leur cave ou dans leur grenier, alors les ateliers accessibles comme le miens ont commencé à accueillir d’autres artistes », explique Patricia Gérardin. Elle, accueille sur les murs de son petit local trois artistes différents, dont deux jeunes artistes dont elle apprécie énormément le travail, « pour encourager la jeune génération ».

  • L'artiste utilise des techniques de gravure du XVIII° siècle
  • Patricia Gérardin dans son atelier
  • Patricia Gérardin devant son atelier "La Botttega"
  • L'atelier "La Bottega" se situe depuis 14 ans rue Taison à Metz

« Nous ne sommes pas des musées »

L’instigatrice de l’évènement se félicite de l’affluence de visiteurs lors du premier week-end : « On se demandait si le public allait venir mais il y avait énormément de monde ce week-end. Les gens sont ravis de pouvoir assister à un évènement culturel en présentiel », sourit-elle derrière son masque. Mais l’artiste tient tout de même à rappeler que les ateliers d’artistes ne sont pas des musées : « Nous ne sommes pas des musées, nous sommes des artistes », explique-t-elle. Depuis un an, la baisse du tourisme se fait sentir sur les ventes d’œuvres d’art : « On vend moins sans les touristes. Nos gros clients sont souvent des Luxembourgeois, des Belges, ou des Américains ».

Durant le premier confinement, l’artiste a tout de même pu travailler dans son atelier après quelques semaines de pause : « Le fait d’être enfermée a fait que j’ai beaucoup travaillé. J’ai apprécié de ne pas être dérangée », explique-t-elle. « J’en ai aussi profité pour refaire mon site avec le webmaster pour être présente sur le web », poursuit-elle.

Expo à domicile

Parmi les 80 artistes qui participent au festival « Parcours d’artistes »,  Marie-Christine Faust. Le temps des deux week-end du festival, elle ouvre la porte de son atelier aménagé à domicile et de son jardin de Lorry-lès-Metz aux amateurs d’art. Elle y expose ses oeuvres, peintures et céramiques, mais également les sculptures de son amie Danièle Vogler.

  • Marie-Christine Faust a transformé son garage en salle d'exposition.
  • Au premier étage de sa maison, l'artiste peintre a aménage son atelier.
  • Dans le jardin de son amie Marie-Christine Faust, Danièle Vogler a disposé ses sculptures.
  • Marie-Christine Faust expose ses œuvres dans son atelier
  • Danièle Vogler expose ses sculptures dans le jardin de Marie-Christine Faust

Cette édition 2021 évidemment marquée par la situation sanitaire, comme l’explique Marie-Christine Faust dans le reportage ci-dessous, mais qui permet de faire vivre la culture tout en respectant les gestes de protection alors que les musées et autres lieux de culture restent fermés.

Émile Kemmel & Annabelle Rochet