Camille, jeune femme ayant avorté, est scandalisée par le projet de loi pour améliorer l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, actuellement en débat à l’Assemblée Nationale. Ce texte prévoit la suppression du délai légal de réflexion d’une semaine entre le premier rendez-vous chez le médecin et l’intervention de l’IVG. Un délai dont elle aurait aimé pouvoir profiter.

« Ce n’était ni un fœtus, ni un embryon qui était dans mon ventre. C’était mon bébé. » Camille (le nom a été modifié pour préserver l’anonymat de ce témoin) a avorté en avril dernier avec l’accord de son compagnon. Tous deux étudiants et sans revenus fixes, ils n’étaient pas préparés à devenir parents à 24 ans. Camille fait partie du pourcentage de femmes qui sont tombées enceintes malgré une contraception adaptée. « Pas un jour ne passe sans que je veuille me rétracter, mais hélas, c’est impossible » confie la jeune femme d’une voix tremblante.

Du premier rendez-vous chez son médecin à l’intervention en clinique, Camille a pris sa décision finale dans la précipitation. Le 9 avril dernier, elle a rencontré son médecin pour demander des conseils et effectuer une échographie de datation. Le 13 avril, elle s’est rendue chez son gynécologue, lequel a alors programmé l’intervention deux jours plus tard. Aujourd’hui, la jeune femme regrette sa décision. Vivant dans un quartier résidentiel, tout lui rappelle ce souvenir douloureux : une femme avec une poussette, des jouets pour bébé ou encore des enfants qui courent en bas de chez elle. « J’ai eu une longue période où je ne faisais que pleurer. Je voulais mourir » confesse  Camille.

« Ce projet de loi est une aberration »

La future institutrice est en colère contre son médecin qui ne lui a pas laissé la semaine de réflexion prescrite par le Code de la santé publique. Chaque femme doit normalement disposer de ce délai. Après une première consultation, une seconde est prévue huit jours plus tard pour organiser l’intervention. Un délai que Camille n’a pas eu. Aujourd’hui, celui-ci est remis en cause par le projet de loi visant à améliorer l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, initiateur de ce projet, veut supprimer ce laps de temps. « Je trouve que ce projet est une aberration, il ne faut jamais oublier que c’est une vie qui est en jeu et ce n’est pas en une semaine qu’on peut prendre la bonne décision » ajoute l’étudiante.

En traitement pour dépression, Camille, fraîchement adhérente à SOS bébé – une association qui écoute les personnes ayant subi une IVG – a entamé des procédures avec son avocate pour protester contre le manque de professionnalisme de son médecin et faire connaître son opposition à ce projet de loi. « Nous ne sommes pas des cartes vitales en consultation mais des personnes faibles et en détresse ayant besoin de réfléchir avant d’agir ».  Ne perdant pas son humour malgré cette histoire tragique, Camille ajoute qu’elle aurait même poussé le délai de réflexion à neuf mois. Son cas n’est pas isolé.

« Le délai ne peut pas être respecté »

Chaque année, des femmes se retrouvent dans l’impossibilité d’avorter car elles ont dépassé le délai légal de 14 semaines. Ce projet de loi vise à permettre à ces femmes  d’agir dans l’urgence et leur donne la possibilité d’avorter légalement même si les délais sont révolus. « Les médecins essayent de tenir tous les jours les délais mais une femme qui arrive en urgence, qui se rend compte qu’elle est enceinte de 10 voire 11 semaines même sous pilule, on ne va pas lui dire d’attendre encore huit jours. Donc, dans ces cas-là, le délai ne peut pas être respecté. » déclare Martine, assistance sociale au Planning familial de Metz.

Preuve de l’ampleur du phénomène,  le planning familial de Metz a recensé, l’année passée, 65 avortements dont 37 hors délai. « On ne sait pas si dans les statistiques, ce délai change beaucoup de choses. Le désir de ne pas avoir d’enfant est plus fort que celui d’avoir un enfant, on le voit dans l’histoire, combien de femmes, prêtes à tout, sont mortes pour ne pas avoir d’enfant ? Beaucoup ! » s’indigne la militante. « Mais on a de plus en plus de discours culpabilisants, dans ces cas, peut-être le délai de huit jours est-il essentiel. Encore faut-il qu’on ne culpabilise pas les femmes car de plus en plus de médecins sont contre l’IVG. Ils montrent des battements de cœur de bébé et perturbent encore plus les femmes » ajoute Martine. Quarante ans après le manifeste des 343 salopes publié dans le Nouvel Observateur en 1971 et la loi Veil votée en 1974, l’IVG ne cesse de provoquer le débat.

[toggle title= »Le projet de loi »]Le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes a remis à Najat Vallaud-Belkacem, le 7 novembre dernier, un rapport proposant 40 recommandations pour améliorer l’accès à l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) aux femmes. Parmi ces recommandations figurent la suppression du délai de 7 jours de réflexion et de la clause de conscience accordée aux médecins. Des décisions controversées. Près de 40 ans après le vote de la loi Veil «l’accès à l’IVG reste parfois problématique», peut-on lire dans le rapport du HCEfh.

Voir le rapport[/toggle]

Le projet de loi vu par le Planning Familial de Metz

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