Freyming-Merlebach, 2003 : le dernier charbon est tiré des entrailles du puits Vouters. Freyming-Merlebach, 2010 : la population vieillit, les jeunes partent ou végètent. Voilà pour les acteurs. Le décor : des sites miniers laissés à l’abandon, une piscine, un cinéma et bientôt un hôpital en guise de trompe l’oeil d’une ville à l’agonie. Comment s’en sortir quand toute la base démographique et économique d’une ville part en fumée ? A Freyming-Merlebach, on a pas encore trouvé la réponse.

 



Bienvenue à Freyming-Merlebach
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Bienvenue à Freyming-Merlebach, ville fleurie et joyeuse ! C’est du moins ce que laissent croire les ronds-points verdoyants qui accueillent les véhicules de passage arrivant de Saint-Avold ou de Forbach. Mais la réalité est tout autre. Vivante, cette ville l’était autrefois, aux grandes heures de la mine grâce à laquelle sa population est passée de 600 à 9000 habitants en un demi-siècle. Mais la mine a cessé de rugir, ne laissant à Merlebach que des vestiges de son ancienne gloire, comme l’ancien siège des Houillères du Bassin Lorrain, Empire State Building en berne qui trône encore dans les cieux de la ville.

Avec les HBL et les mines de charbon, la ville avait une âme : ouvrière et métissée. Une fois cette industrie mise au placard, tout ce qui faisait la richesse de la ville s’est écroulé comme un château de cartes. Les anciens lieux de travail des mineurs ont presque tous été laissés à l’abandon, alors qu’avec un peu de bonne volonté ils auraient pu accueillir de nouvelles activités. Seulement les houillères n’ont cédé les locaux à la mairie que tardivement, et depuis ils restent dans un état déplorable, sans parler des murs lézardés de nombreuses maisons de mineurs. C’est comme si la ville avait honte de son passé, ces anciens lieux de labeurs devraient être restaurés au lieu d’accueillir les vagabonds de passage qui sèment des odeurs de mort et d’urine dans ces lieux sinistres qu’on imaginerait bien en chambres de tortures pour psychopathes tout droit échappés de Hostel ou Saw.



Vestiges des mines de charbon
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Quoi de mieux que l’adagio funeste d’Albinoni pour illustrer la décrépitude du centre-ville de Freyming ?

Depuis 2005, et même avant puisqu’en 1995 déjà la ville redoutait la fin des mines, le vent a tourné pour Freyming-Merlebach et les commerces s’en sont allés. Dans la rue principale Eugène Kloster, un commerce sur deux est fermé, faisant des magasins de pompes funèbres l’activité la plus florissante de la ville ! Les samedis après-midi, on entendrait presque les mouches voler.

 

 
Quelques poches de résistance industrielle subsistent comme dans la zone mixte de Betting ou le parc d’activités communautaire de Henriville. Mais ces PME sporadiques ne suffisent pas à combler le vide laissé par la fin des mines de charbon. Freyming-Merlebach, quand on y passe, on ne reste pas. On n’y vit pas, on y survit. Avec plus de 15% de chômage, la ville semble avoir du mal à faire son deuil. La création prochaine d’un Plateau Technique Hospitalier d’envergure ne semble que poudre aux yeux, car point de créations d’emplois dans ce nouvel hôpital, seulement des transferts de personnel des établissements voisins. Quant à la carrière de grès de Sainte-Fontaine, elle ne constitue qu’une oasis de beauté sauvage dans un désert de tristesse. Mais à quoi bon embellir ce lieu uniquement connu des initiés ? Ceux qui auront le malheur de découvrir Freyming-Merlebach en 2010 n’auront qu’une envie, prendre leurs jambes à leur cou, et nulle intention de découvrir les trésors cachés d’un lieu à première vue si repoussant. Qui pourrait les blâmer ?



Freyming-Merlebach, ville en chantier(s)
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L’ancienne mairie, non rénovée depuis 1945, a été détruite pour en construire une nouvelle, écologique et moderne. Comme son hôtel de ville, c’est toute une ville qui a besoin d’un lifting pour en finir avec un passé glorieux mais révolu. Et un jour peut-être, les jeunes générations blasées seront fières d’y vivre, comme avaient pu l’être leurs parents au temps de cette mine fière et solidaire qui semble si étrangère au paysage déshumanisé qu’elle a laissé.



La future-ex mairie de Freyming-Merlebach
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 Mais pourquoi avoir la dent si dure ? Parce que Freyming-Merlebach, c’était mieux avant ! La preuve par deux, avec les témoignages Florent Emilio Siri et Paul Solinas.

Florent Emilio Siri est un réalisateur né en 1965 à Saint-Avold. Son père est arrivé d’Italie et est passé de mineur de fond à sous-chef porion, dans les puits Reumaux et Vouters à Freyming-Merlebach. Metteur en scène à succès (Nid de Guêpes, L’ennemi intime et même une expérience américaine avec Otage), il a passé toute son enfance dans la ville. Son premier film, Une minute de silence (1998) revenait sur les manifestations de mineurs houleuses de 1995 devant le siège des HBL. Florent se définit comme italo-mosellan, signe de son attachement à la région, et quand il repense à sa ville, c’est toujours avec une certaine nostalgie : « J’ai vu Freyming-Merlebach dépérir de loin ». Mais il se souvient aussi de son enfance formidable dans le bassin houiller d’autrefois, véritable bouillon de cultures qui a fait l’identité métissée de Freyming-Merlebach. « Freyming-Merlebach m’a fait ».

 

 Paul Solinas, mineur retraité qui a passé une bonne partie de sa carrière dans les puits Vouters et Reumaux, nous explique pourquoi il revient rarement à Freyming-Merlebach, alors qu’il réside tout près, à Saint-Avold.