Première « fiction totale », entre série et jeu vidéo, « Alt Minds » débarque sur téléphones, ordinateurs et tablettes ce lundi 12 novembre. Son créateur Eric Viennot dévoile les contours de ce projet innovant.

WebullitionVotre dernier projet d’envergure, « In Memoriam » est sorti il y a dix ans. Avec le recul, quel regard portez-vous sur le jeu ?
Eric Viennot – C’était un OVNI, en avance sur son époque. Il a marqué l’esprit des joueurs, était en pointe sur pas mal de concepts qu’on voit arriver aujourd’hui. En particulier sur la convergence entre jeux vidéos, séries télé et réseaux sociaux. Je suis surpris que ce courant ait mis près de dix ans à émerger. Je pensais vraiment que les gens de télévision et de cinéma allaient s’en emparer beaucoup plus tôt.

Votre nouvelle production, « Alt Minds » s’inscrit dans ce mouvement ?
On parle de  « fiction totale ». Cela peut paraître ronflant, prétentieux, mais c’est vraiment le sens de cette expérience. D’abord parce que fiction et réalité se mélangent de façon troublante.
C’est une aventure transmedia : on n’empile pas les médias, mais on crée une grammaire, une écriture propre, qui ne ressemble à rien d’autre. « Alt Minds », ce n’est ni un jeu, ni une websérie, ni un roman, ni un film interactif mais tout cela à la fois. On a fabriqué une masse de contenus qui doit tenir en haleine le public.
Il y a beaucoup de façons d’entrer dans l’histoire : par tablette tactile et ordinateur, ou les deux associés, sur Facebook via une application scénarisée à gameplay spécifique… Les gamers prendront du plaisir à explorer les contenus, enquêter, interagir, se plonger dans l’expérience en profondeur. Les joueurs occasionnels pourront davantage profiter d’ « Alt Minds » comme une série ou un roman.

Il y a deux dimensions nouvelles par rapport à In Memoriam : le temps réel et la géolocalisation.
L’expérience est conçue pour être vécue en temps réel, presque heure par heure, pendant huit semaines. C’est très immersif : les joueurs interagissent, commentent l’aventure sur les réseaux sociaux. On peut faire une pause à tout moment, et de nombreux outils (une timeline, un résumé quotidien) permettent de se raccrocher au temps réel. Mais on peut aussi jouer en différé, et ça marche très bien. Chaque joueur avance pas à pas, à son rythme.

De la même façon, il est aussi possible d’activer la géolocalisation : les lieux de la « vie réelle » du joueur auront alors une influence sur l’histoire. Mais rien n’est obligatoire : il ne faudra pas nécessairement aller à tel ou tel endroit pour finir le jeu. A chaque étape, le joueur est guidé. Ça reste une expérience accessible, on n’a pas voulu créer une usine à gaz. L’idée est de faire travailler l’imaginaire par tous les moyens possibles.

Vos jeux interrogent le rapport des joueurs au virtuel. Ils poussent les participants à enquêter pour démêler le vrai du faux sur Internet. Peut-on parler d’ambition pédagogique ?

Oui, c’est un parti-pris assumé. Sans trop en dévoiler sur le scénario, les questions liées au post-humanisme, à nos vies hyper-connectées, sont au cœur de l’univers d’Alt-Minds. Certaines de ces thématiques ne sont qu’effleurées. Les joueurs sont alors invités à aller plus loin, s’ils le souhaitent. Des mini-webdocs sont proposés en marge de l’expérience principale pour explorer ces sujets, aux frontières de la science et du fantastique. Un blog va être créé en partenariat avec Le Monde et permettra de faire la part des choses entre vraies et fausses informations.

A quelques heures du coup d’envoi, quel est votre état d’esprit ?
Il y a forcément un peu d’appréhension, d’autant plus que le temps réel va apporter son lot de surprises. Mais c’est aussi une libération : on a tous bossé comme des dingues, et on y est arrivés ! J’ai le sentiment qu’on a créé quelque chose de nouveau, qui restera. Un peu comme In Memoriam à son époque. J’espère que d’autres créateurs suivront ce chemin. D’un point de vue artistique, tout n’est pas parfait – je suis un perfectionniste – mais il y a des moments forts, étonnants, émouvants. Et une vraie fin au bout des huit semaines. C’est un voyage au sens premier du terme : on découvre des pays, des gens, des cultures, il y a un sentiment d’épopée.

Travaillez-vous sur une saison 2 ?
On a mis un an à construire la « bible » de l’univers d’Alt Minds. La saison 1 n’en dévoile que le quart… Comme dans toute saga, beaucoup de mystères seront résolus mais des personnages, des thèmes, des énigmes ne seront qu’entrevus. J’espère que la saison 1 donnera envie d’en découvrir davantage.

 

ALT-MINDS – Trailer 2 (VF) par Alt-Minds