Enquête : La culture messine fait bloc et les voix s’élèvent

Secteur particulièrement touché par les restrictions sanitaires dues au Covid-19, le monde de la culture s’organise pour faire entendre ses revendications. À Metz, les initiatives ne manquent pas. Entre les marches fleuries, le maintien d’événements culturels et la création de nouveaux modes d’expressions artistiques, la convergence des projets est aussi celle des luttes.

Les acteurs culturels messins se rassemblent et s’expriment à l’unisson. Le 14 mars dernier, cinq cent personnes ont défilé dans les rues du centre-ville, déposant des fleurs devant les lieux interdits au public à cause de la crise sanitaire. Cette « marche fleurie » est à l’initiative du collectif du 23-janvier, un groupe de personnes issues de la culture, ou non, qui prônent la réouverture des lieux culturels et des lieux de convivialité. « La marche fleurie était très gaie et fédératrice mais cela ne suffira pas pour porter nos revendications », assure Céline Sant, comédienne et membre active du collectif du 23-janvier. Parmi les demandes des manifestants, la réouverture des salles de spectacle, des bars et restaurants mais aussi la prolongation de l’année blanche pour les intermittents ou encore, la mise en place de mesures d’urgence pour les étudiants précaires. « Il y a d’autres types d’actions à mener, nous soutenons les occupations de lieux culturels comme à Nancy et à Reims dans le Grand Est », défend encore Céline Sant.

Des actions locales

Le collectif du 23-janvier espère des actions au niveau national et au niveau local. « Il faut que nous soyons partie prenante dans les discussions autour des dispositifs de soutien à la culture, nous devrions travailler en concertation », estime Céline Sant.  En 2021, la ville de Metz s’engage à verser les subventions publiques habituelles allouées aux acteurs associatifs et culturels. Une démarche dont se félicite l’adjoint à la culture, Patrick Thil : « nous maintenons le financement public, contrairement à d’autres municipalités, comme à Lyon par exemple ». Sur les récentes mobilisations à Metz, le troisième adjoint au maire explique : « Pour ce qui est des aspects sanitaires, cela m’échappe. Le préfet nous consulte peu sur la marche à suivre afin d’endiguer la pandémie. La plupart des décisions ne dépendent pas de nous ».

Marche fleurie le 14 mars 2021 à Metz, devant le cinéma Klub

« Il faut permettre aux gens de venir »

Événement emblématique en Moselle, l’exposition « Astérix l’Européen » au château de Malbrouck, n’avait pas eu lieu en 2020. Cette année, le département de la Moselle, qui organise l’exposition, espère ouvrir dès le 3 avril. « On communique pour dire qu’on est prêts. Nous ne sommes pas statiques, pas attentistes, nous sommes toujours en train de réfléchir à des solutions », assure Xavier Baumann, directeur adjoint du développement culturel et artistique du département. Pour l’heure, les organisateurs ne savent pas si l’édition 2021 d’ « Astérix l’Européen » sera maintenue ou non. « Nous souhaitons l’ouverture de lieux culturels, les visites virtuelles n’offrent pas une expérience comparable à une réelle confrontation avec les œuvres. Il faut que nous trouvions les mesures nécessaires pour permettre aux gens de venir », ajoute Xavier Baumann.

« Nous sommes là ! »

En marge des évènements habituels, d’autres se créent de toute pièce, dans un contexte atypique. L’association culturelle messine « Prétexte » a lancé le festival « No Prétexte », le 17 mars dernier. Pendant deux semaines, 31 artistes locaux exposent leurs travaux dans les vitrines des bars et commerces dits « non-essentiels ». « Notre objectif c’est de donner quelque chose aux gens, un festival urbain gratuit. Nous voulons aussi rappeler que nous sommes là, la culture et les lieux de sociabilité existent toujours », explique Marion Bodin, directrice artistique à l’initiative de « No Prétexte ». Elle a lancé ce projet il y a moins d’un mois, sans aucune aide financière extérieure. Son appel à la solidarité entre artistes et commerçants a immédiatement été entendu. « La mairie aurait tout intérêt à soutenir les artistes locaux dans ce type de projet. À Metz il y a un grand vivier d’artistes, il faut le conserver et le mettre en valeur », revendique Marion Bodin. Le festival est également un coup de pouce pour de nombreux artistes locaux en quête de visibilité. Bertrand Ricciuti n’avait jamais exposé son travail auparavant. « No Prétexte me permet de présenter ma première exposition. C’est gratifiant. Habituellement on peut avoir l’impression que les artistes locaux et indépendants ne sont pas les bienvenus dans l’espace public. Les gros festivals comme « Constellations » sont surtout tournés vers les artistes internationaux reconnus », regrette l’artiste. Pour Patrick Thil, l’adjoint à la culture : « En matière culturelle, on ne fait pas du localisme. Toutefois, sur le festival « Constellations », il y a des artistes locaux. En revanche, pour capter les regards du monde entier, on est obligé d’avoir des têtes d’affiches qui sont des artistes internationaux ». Et d’ajouter : « No Prétexte, c’est une excellente initiative. Mais ce n’est pas parce qu’un projet émerge et qu’il rencontre du succès que l’on doit automatiquement le financer avec de l’argent public ».  

En réunissant leurs forces, les acteurs culturels messins ont redoublé de créativité. La crise sanitaire constitue une entrave au développement de certains projets. Contre toute attente, la pandémie a, dans une certaine mesure, rapproché des personnes aux profils différents. Si personne ne s’avance à pronostiquer la date de la sortie de crise, la perspective d’un « monde d’après » en commun et résolument artistique, est sur toutes les lèvres.


Focus : « No Prétexte », l’art à la rencontre des Messins

Du 17 au 31 mars, 31 artistes messins soumettent leurs œuvres aux regards des passants, à travers des expositions dans les vitrines de 27 lieux différents, au centre-ville de Metz. Marion Bodin et l’association « Prétexte » sont à l’initiative de ce projet, monté en moins d’un mois et qui fait écho à « l’anniversaire » du premier confinement. L’objectif ? Offrir une parenthèse culturelle dans le quotidien des habitants, grâce à la collaboration fructueuse entre restaurateurs, commerçants et artistes locaux.

« D’un côté, les bars sont fermés mais leurs vitrines sont toujours visibles, de l’autre, les artistes ont des difficultés à trouver des lieux d’exposition. Grâce à ce projet, tout le monde se serre les coudes » – Marion Bodin, directrice artistique à l’initiative du festival « No Prétexte ».

« J’ai demandé aux artistes quels étaient les lieux de vie messins qui leur manquaient le plus. Ce sont eux, individuellement, qui ont choisi les endroits dans lesquels ils souhaitaient être exposés. Ensuite j’ai adressé des demandes auprès des gérants des différents établissements, en présentant les travaux des artistes. Tous ont accepté. »  – Marion Bodin

Iseult Brault et Ian Fafet investissent la devanture du 3.96.
« Dans chaque vitrine, il y a un cartel avec les clés de compréhension du travail de l’artiste. L’espace public est un endroit très intéressant à exploiter. Plus nous proposerons d’expositions à l’extérieur, plus les gens, à terme, oseront franchir les portes des salles d’exposition », estime Marion Bodin.

Le festival « No Prétexte » a vu le jour sans aide financière extérieure. Pour Marion Bodin : « La mairie aurait tout intérêt à soutenir les artistes locaux dans ce type de projet. Trente artistes qui se réunissent en moins d’un mois, c’est énorme ! On a un grand vivier d’artistes, il faut le conserver et le mettre en valeur. C’est une vraie chance ».

Muriel Grimonpon, gérante du bar Le Piaf, a décidé d’ouvrir son établissement gracieusement, afin d’installer la boutique No Prétexte. « C’est une évidence d’accueillir l’association dans mon bar. Ça fait 10 ans que je travaille avec des artistes, pour des concerts ou des expos. On entretien un lien très serré avec les artistes. » explique la tenancière.

Bertrand Ricciuti présente son travail à la Casa Ricci. « C’est mon restaurant préféré… et c’est tenu par mon cousin ! », s’amuse-t-il Pour lui la démarche artistique est intéressante puisque « le public est aléatoire ». « Je n’ai pas le retour des passants. L’idée c’est d’offrir quelque chose au public, sans attendre de retour ».

Bertrand Ricciuti expose une partie de ses œuvres au Piaf, dans la boutique « No Prétexte ». Il s’agit de photos de vacances dans les Alpes, prises par son père au siècle dernier. Les diapositives ont pourri au fil du temps et donnent un grain très particulier lors de la numérisation des images. « La nature a pris le dessus sur la mémoire, avec ses tirages je conserve tout de même une partie du souvenir », observe l’artiste.

« Parfois, on peut avoir l’impression que les artistes locaux et indépendants ne sont pas les bienvenus dans l’espace public. Les gros festivals comme « Constellations » sont surtout tournés vers les artistes internationaux reconnus. Avec « No Prétexte » on trouve notre place. Je n’avais jamais exposé mon travail auparavant », précise Bertrand Ricciuti.

Les œuvres des artistes locaux s’emparent du bar le Piaf et feraient presque oublier les tireuses à bière. « No Prétexte pourrait devenir un événement récurrent, tous les 17 mars par exemple, avec à chaque édition, un lieu différent. J’espère qu’à l’avenir on pourra réunir tout le monde. », souligne Marion Bodin, avec une lueur d’espoir.


L’interview audio : Le Klub prêt à rouvrir ses salles

Devanture du cinéma Klub – place Saint-Jacques à Metz

Dimitri Fayette, directeur du Klub à Metz, reste optimiste sur une réouverture prochaine de son cinéma. Dès le feu vert du gouvernement, tous les moyens seront mis en œuvre pour accueillir les clients.

Dimitri Fayette, directeur du Klub

Les spectateurs habituels du cinéma art et essai messin ont hâte de retrouver les grands écrans. Certains se disent même « désespérés » de ne plus pouvoir pénétrer dans l’enceinte du Klub.

La réouverture du cinéma le Klub à Metz est espérée pour le printemps

Tout est prêt pour accueillir les cinéphiles

Antoine Poncet & Yann Besson