Jeudi 4 décembre, l’université de Lorraine à Metz a reçu Valeria Ratnikova. Journaliste russe exilée aux Pays-Bas, elle travaille depuis six ans pour Dojd, la première chaîne russe ayant choisi la diffusion en ligne pour contourner le contrôle de l’État sur les fréquences télévisées. Retour sur son parcours atypique et son combat pour proposer une information sans censure ni propagande en temps de guerre.

Valeria Ratnikova est journaliste depuis six ans en opposition au gouvernement russe. Depuis son adolescence, Valeria disait déjà à sa grand-mère de ne pas croire au pouvoir de Poutine. Ce jeudi 4 décembre, elle est venue échanger avec les étudiants en journalisme de Metz pour parler de l’état de la liberté de la presse en Russie.

Un parcours semé d’embûches

Valeria commence par des études en journalisme en 2016 à Moscou.  Lors de sa troisième année d’étude, elle sillonne le pays avec une émission de voyage. En manque de sens, elle s’intéresse de plus en plus à la politique et devient stagiaire sur Fake News, une émission de démantèlement de la propagande d’État russe. 

Elle intègre Dojd durant l’année 2019 et endosse un rôle aux multi-casquettes, entre reporter, présentatrice et rédactrice en chef des émissions. Dès le début de la guerre, elle et ses collègues sont contraints de quitter le sol russe et de se réfugier à l’étranger très rapidement. “Au cinquième ou sixième jour de la guerre, il y avait une menace que les forces de l’ordre se rendent à la chaîne pour nous arrêter. J’ai fait mes valises en 2h pour Istanbul et je ne suis plus jamais revenue en Russie”, nous dit Valéria dans sa langue maternelle, avec l’aide de Vitaly Buduchev pour la traduction.

Depuis son départ précipité, la mère d’une de ses collègues a été licenciée de son travail parce que sa fille était une journaliste indépendante. Ses parents à Moscou risquent aussi d’être perquisitionné. A ce moment-là dans la salle, le silence est pesant. Les étudiants écoutent attentivement Valeria, choqués par son histoire.

S’ensuivent trois années passées aux Pays-Bas, où la journaliste a dû s’accommoder à un nouveau style de vie qu’elle ne risque pas de quitter de sitôt. Elle encourt toujours le risque de se faire arrêter si elle retourne sur le sol russe, une menace qui pèse sur elle chaque jour et avec laquelle elle doit vivre en permanence. “Je ne suis pas assez consciente de cela (qu’elle est recherchée), je devrais me sentir plus en danger mais je ne veux pas car c’est très stressant. Tous les Russes, on vit au jour le jour. On ne pense pas forcément à l’avenir, c’est trop dur d’y penser. Nous essayons d’être heureux tant qu’on le peut. S’il le faut, je partirai en Argentine !”, raconte Valéria, accompagnée d’un rire nerveux. 

A un moment donné, Erwan, étudiant en master de journalisme, se lève et demande d’un ton calme à Valéria si elle espère pouvoir retourner en Russie un jour.

C’est mon espoir principal de revenir un jour en Russie parce qu’il y a encore mes parents, mes grand-parents, ma maison… .” répond-elle nostalgique.

Au début, Valeria pensait partir pendant seulement quelques temps, mais aujourd’hui elle ne sait pas si elle pourra un jour revenir dans son pays.

La liberté de la presse n’est jamais acquise

Pendant l’échange, un entracte est organisé dans le hall du bâtiment. L’occasion pour certains étudiant·es du master 2 de journalisme, de discuter plus en profondeur avec Valeria autour de viennoiseries et de macarons. Cette proximité avec la journaliste permet à des petits groupes de se former et ainsi de pouvoir rebondir sur ce que la journaliste a partagé pendant la rencontre. Valeria les questionne sur l’état de la liberté de la presse en France. Emeline, Manon et Flavie se confient alors sur leur crainte face à la montée de l’extrême droite en France et des possibles conséquences qu’il pourrait y avoir sur la liberté de la presse. 

Pour Valeria, cette rencontre est aussi l’occasion de montrer aux étudiants qui ont pour ambition d’exercer son métier, que l’accès à l’information n’est jamais acquis, surtout en temps de guerre.

“J’ai trouvé ça hyper intéressant, elle a parfaitement parlé de sa situation et de celle du journalisme en Russie. Surtout qu’elle parlait bien français”, explique Maxime, étudiant en M2 journalisme.

Aujourd’hui, Valeria se dit fière d’avoir toujours été une journaliste indépendante, sans jamais avoir eu affaire à la censure en Russie et ce malgré l’interdiction d’exercer dans son pays d’origine.

Lucie MILLET, Nathan MULLER, Clara DUCHOSAL