Le 18 novembre, le Cinéma Klub de Metz a accueilli une conférence-débat autour du dixième anniversaire des attentats du 13 novembre. Des chercheur·ses de l’Université de Lorraine ont présenté les travaux du programme « 13-Novembre », explorant la construction de la mémoire. Les échanges ont mis en lumière l’approche genrée des souvenirs et les dilemmes émotionnels du journalisme face à la tragédie.
Dans le cadre du Festival Art(s) & Justice, le Cinéma Klub de Metz a accueilli une conférence-débat intitulée « Penser les attentats aujourd’hui », le mardi 18 novembre, à l’occasion des dix ans des attentats du 13 novembre 2015. L’événement, suivi de la projection du film Un an, une nuit, a réuni des chercheurs et chercheuses du Centre de recherche sur les médiations (Crem) de l’Université de Lorraine.
L’étude « 13-Novembre » : comprendre la mémoire en construction
Animée par Audrey Alvès, Maîtresse de conférences au Crem, et les étudiants du Master 2 Journalisme, la table ronde a mis en lumière le programme national interdisciplinaire « 13-Novembre » auquel des chercheurs du Crem participent depuis 2016. Ce vaste projet collectif, doté d’un financement de l’ordre de 28 millions d’euros, vise à étudier la construction et l’évolution de la mémoire après les attentats.
Jacques Walter, Professeur émérite en science de l’information et de la communication, a expliqué la nécessité d’une intervention rapide des chercheurs, tirant les leçons d’événements passés comme la Shoah où les témoignages ont mis du temps à être audibles. L’objectif était d’évaluer « comment la mémoire se construit dans la durée » en interrogeant les mêmes personnes tous les deux ans. Avec ses collègues, il a présenté l’étude « 1000 ». Cette étude a été menée auprès d’un panel couvrant différents degrés de proximité, allant des lieux mêmes des attentats jusqu’en Province. Il a souligné que ces témoins se sont porté·es volontaires, rendant la « notion de concernement » fondamentale pour cette démarche.
L’approche genrée et la tension émotionnelle des journalistes
Charlotte Lacoste, Maîtresse de conférences, a présenté son approche genrée de la mémoire, détaillée dans son ouvrage La charge mémorielle. Une approche genrée de la mémoire du 13-Novembre. Ses recherches ont mis en évidence le « très fort ébranlement » chez les femmes éloignées des évènements. Elle décrit des rôles spécifiques de « veilleuses, des pleureuses, des gardeuses de mémoire ». Cela implique un travail de veille informationnelle intense et un travail d’intériorisation du chagrin collectif, un investissement qui n’apparaît pas ou de manière différente dans les récits des hommes.
De son côté, Corinne Martin, Maîtresse de conférences, a ciblé son analyse sur les journalistes des régions parisienne hors quartiers touchés et en Province. Elle a mis en évidence les fortes « tensions » vécues par ces professionnels qui ont dû concilier leur mission d’informer avec leur identité personnelle. L’échange a permis d’aborder la question du « journalisme d’empathie ». Corinne Martin a cité l’exemple d’une journaliste qui a pleuré avec un jeune rescapé du Bataclan avant de s’interroger sur son « objectivité journalistique » . Ces témoignages illustrent une « irruption émotionnelle » qui a poussé les professionnel·les à « exploser les codes » de la profession dans un besoin de « partage des émotions sociales ».