La mosquée de Djingareyber, à Tombouctou (Mali), le 8 avril 2015. Lemine Ould Salem y a tourné des images de son film. (SEBASTIEN RIEUSSEC / AFP)

Après de nombreuses polémiques, la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a annoncé mercredi 27 janvier, qu’elle autorisait la diffusion du documentaire Salafistes. Assortie d’une obligation d’avertissement au public, le film est programmé en salles et accompagné d’une interdiction aux moins de 18 ans. Réalisé par François Margolin, producteur et distributeur, et par le journaliste mauritanien Lemine Ould M. Salem, ce reportage donne la parole à un groupuscule islamistes des plus radicaux.

Tourné en Irak, en Tunisie, en Algérie, en Mauritanie et en Algérie entre 2012 et 2015, le film donne la parole à des responsables politiques d’Al-Qaida au Maghreb islamique et à des autorités religieuses salafistes, prônant un retour aux fondamentaux de l’islam, auxquelles les médias occidentaux n’ont jamais eu accès. Les deux réalisateurs de Salafistes assument leur parti pris et montrent sans détours une réalité brute – sans voix off explicative ni commentaire – de l’engagement fou des djihadistes ainsi que la réalité de la charia. « Le projet est de faire entendre la parole de ces salafistes, leur idéologie et comment cela peut mener au terrorisme, dit François Margolin, auteur de L’Opium des talibans, sorti en 2001. Nous avons choisi d’écouter des propos qu’on ne veut pas entendre de la part de ceux qui nous font la guerre et de laisser les spectateurs se faire leur propre idée. »

Fleur Pellerin précise : 

Compte tenu du parti pris de diffuser sans commentaires des scènes et des discours d’une extrême violence, j’ai décidé de suivre l’avis de la commission. En tant que ministre de la Culture et de la Communication, mon rôle lors de la délivrance du visa d’exploitation de toute œuvre cinématographique est de respecter le travail de l’auteur qui est le seul responsable de son œuvre, tout en ayant à chaque fois à l’esprit la nécessaire protection de la jeunesse. Ce film sera donc interdit aux moins de 18 ans, avec avertissement. Le visa est en cours de délivrance.

Nécessité d’une version remaniée

Après une projection tumultueuse au Festival international des programmes audiovisuels (FIPA) de Biarritz et une interdiction aux moins de 18 ans demandée par la commission de classification, le documentaire Salafistes continu de faire polémique, au point que ses auteurs ont pris la décision d’en faire une version remaniée. L’une des scènes du film montrait des images non floutées de l’assassinat du policier Ahmed Merabet, qui tentait de stopper les frères Kouachi, le 7 janvier 2015, juste après la tuerie de Charlie Hebdo. Contacté par Télérama, le réalisateur François Margolin précise que le documentaire sera également expurgé de l’amputation de la main d’un homme, supplice réservé par la charia aux voleurs. Dans une interview donnée à Le Monde, le co-réalisateur Lemine Ould M. Salem explique que ce film n’est pas là pour faire la propagande de la l’État islamique ni la tribune de la charia, soulignant que ce reportage montre également plusieurs scènes de résistance et de dissidence aux djihadistes. Néanmoins, plusieurs salles ont choisi de renoncer à le projeter. Pour l’instant, le documentaire ne sera diffusé que dans cinq salle : deux à Paris, une en banlieue et deux en province.