En 2014, la ville de Metz a lancé les budgets participatifs qui permettent à chaque citoyen, s’il le souhaite, de s’impliquer dans les décisions budgétaires qui concernent son quartier mais aussi sa ville. Thomas Scuderi, adjoint au maire, délégué à la citoyenneté, à la démocratie participative et à la coordination des adjoints de quartier, a été l’un des principaux soutien à cette nouvelle sorte de démocratie dans la cité messine.

Qu’est-ce que la démocratie participative ?

Dire « démocratie participative », c’est un peu un pléonasme. La démocratie est forcément participative. Aujourd’hui, la démocratie représentative, comme en France, a fait faillite. Les citoyens n’ont plus confiance. La démocratie participative permet de réinvestir les citoyens dans le système politique en les intéressant à ce qui les touche : la vie de leur quartier.

Comment s’insère le budget participatif dans ce système politique ?

C’est une réalisation concrète de la démocratie particiative. Nous laissons, ici aussi, les citoyens décider de ce qui les concerne. Depuis 2014, la mairie de Metz alloue une enveloppe pour ces projets, qui est utilisée seulement pour cela. Il faut cependant nuancer. C’est l’argent public, et donc l’argent des contribuables, celui qui émane de leurs impôts, qui est utilisé. L’usage devient donc concret pour les habitants. Le budget

Thomas Scuderi, adjoint au maire de Metz délégué à la citoyenneté, à la démocratie participative et à la coordination des adjoints de quartier
Thomas Scuderi, adjoint au maire de Metz délégué à la citoyenneté, à la démocratie participative et à la coordination des adjoints de quartier. Photo Lucas HUEBER

participatif agit comme un accélérateur de projet : quelque chose qui aurait pu mettre des années à prendre forme devient en peu de temps un projet prioritaire.

Quels sont les secteurs qui sont le plus sollicités lors des budgets participatifs ?

Les projets qui fonctionnent le mieux sont ceux qui concernent les espaces verts. En 2014, par exemple, 45% du budget participatif a été alloué à ces dépenses. Et cela permet de compenser les baisses de dotation de l’État dans ce secteur.

NEUTRALITÉ CITOYENNE

Les habitants oeuvrent donc pour les espaces qui leur sont proches. Quels sont leurs retours par rapport à cela ?

C’est souvent compliqué, au début. Les gens ne voient pas forcément en quoi utiliser l’argent pour des projets citoyens fera avancer les choses. Et au fur et à mesure que les projets prennent corps, prennent forme, les gens sont satisfaits. Pour une fois, on les écoute, on prend en compte leurs avis, leurs envies.

Cette participation doit vous faire rencontrer des situations incongrues…

Oui. Régulièrement, des gens déposent un projet. Ils m’appellent ensuite pour que j’appuie le leur, que je donne mon aval. C’est surréaliste.

Vous ne prenez jamais parti ?

Jamais oui, jamais non. Si je donne mon avis, c’est fini. Ma seule parole peut dénaturer le débat entre les habitants. Et ce sont leurs idées, leurs projets. Pas les miens.

Des projets comme ceux-ci doivent forcément attiser les convoitises. Le lobbying est-il courant ?

Assez, oui. Principalement des start-up qui essaient de rentrer dans le jeu de la démocratie participative, en proposant des sites de vote pour les projets clés en main, avec des statistiques et des chiffres. Pour le site web, les services de la mairie s’en sont chargés. C’était un défi pour eux. Si nous intégrons des personnes extérieures, elles doivent rester locales. Il doit y avoir un vrai intérêt derrière.

L’EXEMPLE MESSIN

Le modèle de la démocratie participative a tendance à faire parler de lui. Où cela se développe ?

A Paris, bien entendu. Mais aussi à Montreuil, Grenoble ou encore Rennes. Pour moi, l’exemple le plus représentatif est celui de la ville de Saillans, dans la Drôme, qui a quitté un système politique représentatif pour faire participer tous ses habitants à la vie de la cité.

Et Metz, dans tout cela ?

Sans vouloir tirer la couverture à nous, je pense que c’est les autres qui s’inspirent de l’exemple messin plutôt que le contraire.


Redonner confiance aux jeunes

Et les jeunes, dans tout ça ? « Ce sont tout autant des acteurs du budget participatif, qui peuvent aussi s’impliquer dans la vie et le développement de leur quartier », explique Sadat Sekkoum, éducateur dans le quartier Patrotte Metz-Nord. L’ouverture d’un espace Street Work Out, un espace de musculation à ciel ouvert, est sans doute l’exemple le plus marquant pour lui. « Des jeunes adultes du quartier ressentaient le besoin d’accéder à une salle de sport à moindre coût, en raison de leurs faibles revenus », déroule l’éducateur. Seulement, déçus du système politique et de ses acteurs, ils ne leur accordaient plus aucun crédit. « Impossible pour eux d’imaginer demander quoi que ce soit à la mairie de Metz sans rester calmes ». Finalement ce sont des ados du quartier qui sont venus en renfort des adultes, poussés par l’éducateur  à porter et défendre le projet devant le comité de quartier.

Présentation du Street Workout de Metz Patrotte

Monter et défendre le projet a été un travail long de dix mois. Non seulement les adolescents ont réalisé le souhait de leurs aînés, mais ils ont aussi réussi à raviver les couleurs du quartier Patrotte. Un nouveau dynamisme s’y est installé. Ils sont d’autant plus fiers de la nouvelle image que renvoie leur quartier qu’ils ont été partie prenante de ce renouveau. Ils ont aussi gagné en maturité en s’impliquant dans ce projet et tout ce que cela comporte, notamment défendre ses idées devant des adultes et veiller au respect de leur nouvelle structure. Gare aux casseurs  !

 

Marine SCHNEIDER & Lucas HUEBER