Dans les archives municipales, au cloître des Récollets à Metz, le Cercle de Généalogie juive expose ses recherches sur la mémoire de ce peuple à travers Mémoires vives. Des œuvres de l’artiste Isabelle Adelus & Suran créées à partir de textes bibliques et d’extraits de loi répondent aux affiches sur la généalogie. 

Un grand silence règne dans la pièce. Seuls des bruits de papiers et des respirations calmes se font entendre. Trois têtes grises étudient des manuscrits dans les archives municipales de Metz. Autour d’eux, arbres généalogiques, récits familiaux et palimpsestes se répondent pour rendre hommage aux mémoires du peuple juif. Isabelle Adelus & Suran, l’artiste et commissaire de l’exposition Mémoires Vives, se réjouit de la collaboration entre les archives municipales et le Cercle de Généalogie juive : “ça a été absolument formidable de repenser ce lieu comme un espace où il y a l’exposition généalogique et une exposition artistique créée pour ce lieu, pour ce thème explicitement.

Les œuvres d’Isabelle Adelus & Suran se mêlent aux usagers des lieux.

Pour l’exposition, des recherches ont été menées sur la quête d’identité de ce peuple opprimé durant une grande partie de son histoire. D’où viennent Emile Durkheim, Emile Bloch ou encore Moses Levy ? Grâce aux travaux du Cercle de Généalogie juive, des histoires familiales ont pu être reconstruites dans différentes régions du monde : France, Maroc, Libye ou encore Italie. La rétrospective s’ouvre avec l’histoire de Cerf Beer, un philanthrope juif présenté comme étant “la personnalité la plus célèbre du judaïsme alsacien ». La deuxième salle de l’exposition est, elle, consacrée à l’Empire Ottoman, l’Algérie et l’arbre généalogique d’Alfred Dreyfus.

La deuxième salle de l’exposition est ouverte sur la ville de Metz.

Tirant sur les tons bleus, rouge et dorés, les palimpsestes – des parchemins manuscrits dont on a effacé l’écriture initiale pour écrire un autre texte – d’Isabelle Adelus & Suran répondent aux affiches historiques.

S’immerger dans une autre culture 

Le travail sur la mémoire est une évidence pour l’artiste. “Ce qui m’intéresse sur la mémoire, c’est que c’est là où se croisent le présent et le passé. Ce que l’on fait de l’histoire, au présent, maintenant.” Elle a entrepris son travail aidée de Désirée Mayer, présidente des Journées européennes de la culture juive. A deux, elles ont mené des recherches historiques sur des textes bibliques et hébraïques. “Les témoignages c’est formidable, aussi effrayant mais c’est nécessaire, c’est l’histoire.” Isabelle Adelus & Suran s’immerge dans la culture juive au travers de dessins, écrits mais aussi de musique : “tout le monde m’a entendu chanter et danser durant la préparation des œuvres. (…) Ça m’a apporté une très grande joie de découvrir une autre façon de penser.” En plus de la découverte d’une nouvelle culture, l’artiste a également, à travers ce projet, assimilé une nouvelle méthode de travail. “J’ai travaillé l’alphabet hébraïque en me disant, je vais penser de la droite à la gauche. Quand on est peintre, ça change considérablement les choses parce que notre cerveau ne travaille pas du tout de la même manière.” 

Les palimpsestes font faces à l’histoire.

Une exposition qui s’inscrit dans l’actualité

Mêlant des extraits de lois révolutionnaires, des journaux de l’Empire et des textes bibliques et hébraïques, ses œuvres dépassent la simple dimension religieuse. Pour la peintre, il y a une certaine résonance entre l’exposition et l’actualité. “Avec les événements qu’il y a en ce moment, l’exposition est d’autant plus forte.” La situation géopolitique de ces dernières semaines renforce les aspirations d’Isabelle Adelus & Suran quant à son exposition. “Si ça peut être un petit grain de sable qui nous fait réfléchir sur l’autre, sur la culture juive.” 

Myrthille Dussert & Madeleine Montoriol