Hier soir sur France Télévisions, c’était soirée à thème. Pendant que sur la 3 Clint Eastwood dézingue à tout va dans son costard d’Inspecteur Harry, Eric Besson, le ministre de l’immigration et de l’identité nationale, s’est livré à un jeu de massacres en règle d’une Marine Le Pen masochiste, au cours de l’émission A vous de juger d’Arlette Chabot. L’autre invité du débat, le socialiste Vincent Peillon, a préféré jouer les objecteurs de conscience face à la question qui dérange : « Qu’est-ce qu’être français ? »

 

Le truand                                        La brute

 

La mauvaise réputation

Première partie de l’émission : un portrait d’Eric Besson, suivi d’un entretien entre Arlette Chabot et le ministre de l’identité nationale. Par toutes les déviances que son parcours suggère, l’opinion publique a consacré Besson homme politique le plus haï des Français. Dans un récent sondage, il suscite l’interrogation, le malaise, le rejet. Eric Besson est clairement sur France 2 non pas seulement pour un débat, mais pour chercher à montrer qu’il vaut mieux que son étiquette de félon ambitieux.

Besson va tirer parti de son portrait tout au long de l’entretien pour tâcher de rendre compréhensible sa démarche politique.

D’emblée il se pose en victime : « En décembre j’en ai pris plein la poire », puis plus loin « mes enfants souffrent de mon image publique ». A maintes reprises il placera des mimiques censées en dire long : petites moues d’enfant triste, regards de chiens battus.

Homme d’image très habile, il ne commet pas de gaffes mais admet ses maladresses, le tout sur un ton toujours posé qui compense les sourires rares à illuminer son visage perçant. Il est le courageux transgresseur qui n’hésite pas à aller au charbon, et en bon capitaine du navire identité nationale, il sait protéger ses troupes : « Qu’est-ce que mes collègues pensent quand on leur dit qu’ils travaillent pour le ministère de la honte ? »

Besson – Le Pen : l’UMP gagne aux points, le PS forfait

C’est quand Marine Le Pen le rejoint que le communicateur doucereux révèle un autre atout dans son jeu idéologique : il est un fin stratège en débat, même si le fantôme de Vincent Peillon va peser tout au long . Il profite de son absence pour qualifier ses propos dans le cadre de ce débat d’ « inacceptables ». On ne saura pas lesquels puisque Peillon a refusé l’invitation, se disant victime d’un « piège » .

Il se retrouve donc avec pour seule opposante Marine Le Pen, dans un débat qui vire à droite toute. Par son interaction avec la vice présidente du FN, il cherche à la faire passer pour agressive et ignorante : « votre colère », « vous roulez des tambours ». « Vous dites n’importe quoi », « outrecuidante », comme il y va !

Eric Besson se désolidarise ensuite de toute tentative de récupération des votes FN en disant avoir été « blessé dans sa chair » par les résultats des présidentielles de 2002.

Plus tard, il infantilise carrément sa rivale du soir : « Vous vouliez votre débat, vous l’avez eu », « Je sais que ça vous fait mal, ce que je vais vous dire », comme s’il s’adressait à une adolescente fragile.

Sans l’air d’y toucher, Besson lance des petites piques personnelles à Le Pen ou au FN (« Des parlementaires? Vous n’en avez pas »), avant de feindre l’excuse. Des réminiscences des cours de droit à l’ENA ? Pas très sport. Hélas, Le Pen rentre dans le jeu mais ne fait pas le poids. De ses attaques contre la politique hypocrite d’un gouvernement qui n’en ferait pas assez sur le thème de l’immigration, ne restent que des aboiements, des rictus d’indignation et des formules faciles.

Face à une oratrice médiocre, Besson a récité ses gammes. Désavantagée par le portrait-confidences préalable au débat(un concept douteux ) et par un temps de parole moindre, parfois de son propre chef vue la pauvreté et la redondance de ses arguments, toujours dans la confrontation et l’agression, Marine Le Pen n’a pas existé.

La présence de Peillon aurait davantage déstabilisé Eric Besson : il a jugé préférable de laisser le débat de l’identité nationale à la droite. Une politique de l’autruche à cause de laquelle c’est le téléspectateur Français lambda qui trinque.