Photo de profil du compte officiel de Jazz Lanka en tenue de catch 948x960

« Être une femme libérée, tu sais c’est pas si facile. » Et pourtant, Madeleine O’kane, alias Jazz Lanka, a su relever le défi lancé par Cookie Dingler dans sa chanson des années 1980. Et ne lui parlez pas de genre ni de style ; pour elle son sport n’a pas de visage. Monteuse-truquiste la semaine, elle devient catcheuse professionnelle le week-end. Rencontre avec une jeune femme aux multiples facettes.

 

Deux univers totalement opposés, et pourtant si proches. A la ville, elle s’appelle Madeleine, 24 ans, originaire de Colombo. Son trait particulier ? Sa grande timidité. Mais le week-end, c’est une toute autre personnalité qui se dévoile. Elle enfile son costume rose et noir comme une seconde peau, tatouages maori aux bras. A partir de ce moment, Jazz Lanka la catcheuse se révèle.

Dans ce jeu des personnalités, le plus dur pour elle reste encore de se confronter au public. « J’ai peur du regard des gens. Mais quand je suis Jazz Lanka, je peux me défouler et m’exprimer librement. En fait, je fais le show. » assume la jeune femme. Comment ? « Il faut oser ne pas être soi ! ». Et lorsqu’il s’agit de changement, la catcheuse ne fait pas dans la dentelle. Méconnaissable, c’est le mot. Sur le ring, sa chevelure ondulée devient crinière. Si svelte, et pourtant si sauvage. Féminine, mais jamais vulgaire. Gracieuse mais loin d’être provocatrice : Avec Jazz Lanka, on est loin des clichés des divas américaines. Ces deux personnalités font partie d’elle : Made d’une part, Jazz de l’autre. Complémentaires, certes, mais pas question de les confondre pour autant. « Au catch, ça ne viendrait à l’esprit de personne de m’appeler Madeleine ! » s’esclaffe-t-elle. « Ça ferait trop bizarre. Je ne me reconnaîtrais même pas. »

Un nom. Quelques caractéristiques : brune, gracieuse et d’origine sri-lankaise. Son nom de scène sonne comme une évidence. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. Lorsqu’elle a débuté le catch à 16 ans, Jazz Lanka s’appelait en fait Mad’capone. Baggy, chapeau et style garçon manqué étaient sa marque de fabrique. Après quatre années de recul, c’est une toute autre personne qui est revenue sur le devant du ring. S’assumer, sans s’exhiber : c’est son maître-mot, à la ville comme sur le ring.

 

Du fleuret au flapjack*

 

Ce qui lui plaît dans le catch ? « C’est le plaisir que le public me procure ! » s’exclame avec enthousiasme la sportive. « C’est tellement incroyable d’être aimée comme ça ! » Et les fans, ce n’est pas ça qui manque. « Pendant les séances de dédicaces, je vois des petites filles qui m’admirent comme si j’étais Shakira ! » s’amuse Jazz Lanka. A mi-chemin entre artiste et sportive, cette étoile montante du catch français s’émerveille au quotidien de la chance qu’elle a de vivre son rêve.

Photo tirée du profil Facebook de Jazz Lanka la catcheuse 233x350
Photo tirée du profil Facebook de Jazz Lanka la catcheuse

Pourtant, rien ne la prédestinait à pratiquer ce sport. Petite, cette parisienne dans l’âme s’adonne à l’escrime et à l’athlétisme . Déjà, cette mordue d’entraînements avait tout d’une athlète : elle enchaîne séances de musculation et compétitions à gogo pour se dépenser. Avec toujours cette même obsession de se dépasser. Mais de tout ça, rien de lui convient.

Made, comme ses amis la surnomment, découvre le catch par hasard, sur une chaîne de télé écossaise. Du haut de ses dix ans, elle observe le match, puis passe à autre chose. Quelques années plus tard, elle apprend qu’une salle de combat a ouvert sur les terres nanterriennes. D’abord dubitative, elle pousse la porte sans conviction, encouragée par son grand frère. Et là, c’est le déclic.
« J’étais bouche bée ! Je ne pensais pas que c’était aussi physique ! Je me dépensais comme une folle et j’étais libre de mes mouvements ! »

 

« L’échec n’est pas possible »

 

On est loin de l’image masculine et brutale qui colle à la peau de cette pratique, encore peu répandue en France. Jazz Lanka l’affirme : ce sport est comme n’importe quel autre.Une erreur d’inattention ou une mauvaise chute, et tout peut arriver. Mais pas question pour autant de s’affoler : le catch, ce n’est pas un sport de gros bras qui s’affrontent. Convaincue, elle décide de se lancer dans cette nouvelle aventure, en parallèle de ses études. Et aujourd’hui, même si l’escrime lui manque parfois, elle ne regrette en rien son choix.

Un brin perfectionnistes, un poil stressées, Jazz et Made ont un point commun : l’envie de réussir.
Et pour y arriver, il n’y a pas de secret. Un travail acharné tout au long de l’année et une préparation millimétrée en amont sont nécessaires. Elles sont une petite dizaine à être reconnues professionnellement dans le milieu. Alors si elle veut obtenir de nouveaux contrats, elle n’a pas le droit à l’erreur. Pour progresser, une seule solution : se surpasser. Séances de musculation tous les soirs, deux entraînements coachés par semaine et un régime strict : rien n’est laissé au hasard.

Finis les temps libres et les soirées en famille, le catch est un investissement personnel et financier qui se joue au quotidien. « Je n’ai plus de temps pour moi, mais c’est ce que j’aime. Je le fais pour Jazz, pas pour Madeleine» admet-elle avec sincérité. Ces sacrifices sont devenus une routine pour la jeune catcheuse.

Après les entraînements, la pratique. Avant chaque combat, Jazz Lanka a le même rituel. « Je me calme en bougeant dans tous les sens. Ça me permet de me vider la tête. J’ai besoin de me retrouver face à moi-même. De rassurer Madeleine et de laisser s’exprimer Jazz Lanka. Au moment où je monte sur le ring, je ne dois plus penser à rien. » Une fois le combat lancé, il n’y a pas de place pour le doute.

Round 3 : victoire par abandon

 

Plusieurs galas par mois, une invitation à l’étranger, quelques stages assurés par Pierre Booster Fontaine, un grand nom du catch français : malgré une carrière en pleine expansion, Jazz Lanka garde la tête sur les épaules. « J’ai aussi un métier à côté, pour garder les pieds sur terre si un jour tout s’arrête. Mais ça ne m’empêche pas de rêver plus grand. Si de nouvelles portes s’ouvrent, je n’hésiterai pas ! »

De tous ses combats, le round le plus difficile à remporter s’est joué face à ses parents. « Les premiers mois, c’était un “non catégorique” de la part de mes parents. Mais j’étais ado et je faisais ce que je voulais, même si ça les rendait malades et les inquiétait. » Et même si elle n’a pas remporté définitivement ce combat, Jazz Lanka a gagné quelque chose de bien plus important : la fierté de sa maman et le soutien de son papa. « Ils ne sont jamais venus me voir, mais je ne le leur demanderai jamais. Ça me ferait trop souffrir de les voir souffrir…Ils savent que je ne changerai pas d’avis, alors ils vivent avec et me soutiennent. »

Et leur soutien est tout ce qui compte à ses yeux. Il n’en fallait pas plus à la catcheuse britannique pour se motiver à aller toujours plus loin. Ses efforts ont été récompensés puisqu’elle aura la chance de se produire dans un grand gala allemand début mai. Espérons que cette nouvelle notoriété ne mette pas K-O sa légendaire simplicité et bonne humeur.

* Le flapjack est une figure de catch qui consiste à soulever son adversaire avec les jambes et lui taper la tête au sol.