Le réalisateur marocain Hassan Benjelloun était à Fameck, vendredi soir, au Festival du film arabe. La prostitution et le travail clandestin en Belgique : deux sujets douloureux pour Les Oubliés de l’Histoire, son dernier film.

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Le réalisateur Hassan Benjelloun en plein débat suite à la projection de son film.

Le Festival du film arabe de Fameck a donné à voir un film profondément humain qui traite avec beaucoup de pudeur l’immigration clandestine des Marocains, ceux qu’on surnomme en Europe, Les Oubliés de l’Histoire. Titre du film de Hassan Benjelloun, qui raconte les histoires croisées de jeunes femmes victimes des réseaux de prostitution et d’hommes, sans-papiers, soumis à l’exploitation. L’histoire se passe en Belgique mais aurait pu se passer ailleurs en Europe car elle révèle la vision idéalisée que les Marocains ont des pays occidentaux. Hassan Benjelloun, le réalisateur évoque « ce rêve d’un Eldorado » qui s’oppose à la vie traditionnelle marocaine.

De nombreux Marocains s’expatrient pour gagner de l’argent dans l’espoir un jour de revenir au pays pour pouvoir se marier et vivre décemment. Cependant, la réalité diffère une fois sur place. Sans-papiers, ils sont exploités et vivent dans des conditions déplorables.

Le prix de l’être humain

C’est un cas classique de trafic d’humains que Benjelloun dénonce par le biais du personnage principal Azouz dont la fiancée Yamna est restée au pays.

Le réalisateur montre aussi le poids des traditions, souvent lourd à porter pour les femmes au Maroc : le mariage est vécu comme un acte marchand, un contrat entre deux familles qui – s’il n’est pas rempli- peut conduire à la répudiation de la jeune fille. C’est le cas de Yamna qui a osé aimer un autre homme, Azouz, avant son mari et se retrouve rejetée de son village qu’elle doit abandonner pour échapper à la lapidation. Seule et désirant rejoindre Azouz en Belgique, elle est vendue par un passeur marocain à un réseau de prostitution belge.

A travers ces deux destins, Azouz et Yamna, qui se croisent et se recroisent, le réalisateur passe en revue les multiples épreuves que subissent ces hommes et ces femmes : exploitation, trafic, maltraitance, racisme, conditions des femmes…

Entre clichés et réalité

Benjelloun traduit une vérité. Le passeport est un véritable commerce pour les proxénètes depuis le Maroc pour envoyer les jeunes femmes en Belgique. Une fois sur place, leurs visas sont confisqués et servent de monnaies d’échange pour les contraindre à rembourser leur dette par une prostitution forcée. La fiction fait écho à de nombreux cas comme celui-ci ; en 2001 un diplomate belge au Maroc a construit un réseau de prostitution de luxe à partir de faux visas.

Pour le réalisateur, la crédulité et l’extrême pauvreté des familles expliquent entre autre que les jeunes Marocaines se laissent embrigader dans des systèmes mafieux. Hassan Benjelloun conclut qu’il est vital pour les Marocains de ne pas « aller en Europe d’une façon aveugle, c’est un piège de partir sans être préparé, sans projet ». Progressivement les mentalités et les lois évoluent, « c’est pour ça que j’ai fait ce film » explique le réalisateur, « mais elles mettent du temps à s’appliquer ». C’est avec une pointe de cynisme qu’il croit aux changements… dans quinze ans.

Le réalisateur s’exprime sur le sujet de son film