Si vous vivez ou avez vécu à Metz, vous connaissez sans doute les enfants terribles de Grand Blanc. Samedi la nuit du 12 mars dernier, le quatuor est venu réveiller les murs de sa ville d’origine le temps d’un disque sombre. Camille, Benoît, Luc et Vincent n’ont pas perdu le nord, déchaînant la hi-fi et leurs premiers fans.

Entre les mots qui choquent et les mots qui tapent, le groupe nous a accordé quelques minutes d’interview.

Webullition : Qu’est-ce que vous avez pensé de ce concert ?

Grand Blanc : On était très contents, on a beaucoup aimé. Il y a eu des moments un peu mouvementés (rires), mais c’était super dans l’ensemble. On appréhendait un peu la date puisque ça faisait longtemps qu’on n’avait pas joué à Metz et que c’était important pour nous.

Ça vous a fait quoi de venir présenter votre tout premier album dans la ville qui vous a vus grandir et commencer la musique ?

Entre le moment où on a sorti les premiers morceaux aux Trinitaires parce qu’on ne jouait que là-bas au début et maintenant, le groupe a pas mal grandi. Lors des derniers concerts qu’on avait donnés à Metz, on était avec les potes, la famille, des musiciens messins… Là, l’enjeu c’était de savoir s’il y aurait dans le public des gens qui ne nous connaissaient pas avant. Et en effet, on a vu plein de nouvelles tronches et on a été très heureux de voir ça.

Quand on parle de vous dans la presse nationale, on dit que Metz est grise, sinistre, que vous avez passé votre jeunesse entre les débris sidérurgiques et les hauts fourneaux. C’est vraiment comme ça que vous avez vécu ici et que vous considérez la ville ?

La question c’est « pourquoi on raconte des bobards en disant que Metz est une ville industrielle où on est devenus alcooliques à 13 ans » ? (rires) Ce qu’on a mis de Metz dans notre premier disque, ce sont des choses qui nous paraissaient exotiques. On est arrivés à Paris à un âge où on se demandait qui on était, comme tous les jeunes adultes. Entre autres, on était des Lorrains. Alors on s’est mis à trouver notre accent cool, à rassembler plein de trucs qui peuvent paraître un peu pourris à Metz, des particularités assez rigolotes. Un romancier qui écrirait un bouquin sur sa ville natale en en faisant des caisses, en la déformant, je ne pense pas qu’on se dirait « mais c’est bizarre, la ville ne ressemble pas à ça ». C’est ce qu’on a essayé de faire : romancer, tout simplement.

Que faites-vous quand vous rentrez à Metz, à part aller au 7(7) ? (ndlr : bar où le groupe et son public se sont retrouvés après le concert)

On ne rentre plus beaucoup en ce moment, on n’a pas le temps. On va beaucoup au 7(7) en effet (rires), on voit nos parents, on joue avec nos chiens, on va au plan d’eau, on fait du skateboard…

D’où vient le nom « Grand Blanc » ?

Quand on l’a trouvé, c’était avec l’accent lorrain. S’il passait avec cet accent, c’est que c’était le bon. On a pris un nom qui n’avait pas de signification au départ, mais qui était très riche en connotations différentes. On y mettait tous un peu ce qu’on voulait : il y a le truc un peu con du requin blanc, le truc du grand nord, l’idée d’une lumière un peu mystique… C’est à la fois un nom poétique, froid, dépouillé, et surtout très ouvert : il n’arrête pas de prendre du sens depuis deux ou trois ans. Peut-être qu’à la toute fin, si on nous demande « pourquoi Grand Blanc ? », on pourra expliquer, ce sera à ce moment-là qu’on le saura.

On a essayé de résumer votre album en cinq adjectifs : envoûtant, psychédélique, grave, beau et dissonant. Et vous, quels mots utiliseriez-vous ?

On se pose la question à chaque fois qu’on compose un morceau. On a essayé de réaliser un disque qui ne se réduise pas à un mot d’ordre, un disque assez morcelé et fourmillant… Enfin, nous on le voit comme ça ! (rires) Quand on discute des styles de musique, on se planque tous derrière le mot pop, parce que ça nous semble être une manière d’aborder la musique avec un petit souci d’efficacité, et ça nous va bien. C’est une pop morcelée et fourmillante !

Dans votre jeunesse, vous écoutiez Bashung, The Cure, Joy Division, et aujourd’hui on vous compare à eux. Ça veut dire que vous avez réussi ou vous en avez marre de cette comparaison ?

Ah non, on est très contents. C’est à Metz qu’on écoutait ça, ce sont des artistes qu’on a vraiment connus en créant le groupe. On s’est mis à dévorer leurs disques parce qu’on ne savait pas trop ce qu’on foutait à jouer ce style de musique. On a découvert les vieux albums de Bashung et ceux de Joy Division au moment où on faisait cette musique-là. Ça nous a vachement touchés de voir qu’on pouvait être comparés à eux, alors que ça faisait si peu de temps qu’on admirait ces gens. Le seul truc, c’est ce que quand cette comparaison est trop répétitive, elle devient un peu stérile. On n’a pas essayé de faire du Bashung ou du Joy Division, on a essayé de faire notre musique. De temps en temps, on se dit qu’il y a autre chose à dire sur nos disques.

Comment se passe la tournée ?

Super bien, on est très heureux, encore en forme. C’est excitant de partir et de faire autant de dates en si peu de temps. On rencontre des gens tous les soirs, on joue de la musique tous les soirs… Puis on a l’impression que le disque a plu, et c’est pas négligeable dans ce métier d’avoir des retours positifs.

Vous comptez revenir jouer à Metz bientôt ?

On aimerait bien. Le soir du concert, on a eu quelques discussions de comptoir avec des gens, et on a pensé faire un truc un peu plus original qu’un concert : un projet à côté, une créa, quelque chose de plus free style… En ce moment, on n’a pas trop le temps, on a la chance d’ailleurs de ne pas avoir trop le temps. Mais c’est vrai que là, on est restés sur notre faim, on n’a passé que 24 heures sur place. Dites à Metz qu’elle nous manque.

Propos recueillis par Élodie Potente, Camille Gillet, Juliette Redivo et Diane Frances