Hier soir, la Cour Suprême mexicaine a rendu son verdict : Florence Cassez est libérée en attendant le renvoi de son dossier en appel. Ce matin, la presse mexicaine est partagée.

Hier soir, nous vous avions fait vivre en direct l’audience publique du « dossier Florence Cassez », ayant abouti à sa libération immédiate dix mois après un refus de la Cour Suprême mexicaine. Avant de passer aux analyses, l’heure était aux réactions sur les principaux sites d’information du pays. Partout, la photo de Florence Cassez quittant la prison de Tepepan avec son père, affublée d’un gilet par balles. Dans un article intitulé « Avec sa sortie de prison, jubilation, condamnation, dissimulation et lamentations »,  le site de la revue Proceso (ancrée à gauche) fait un tour d’horizon des premières déclarations au sein des trois principaux partis mexicains : Enrique Peña Nieto, président du Mexique (PRI, centre) dit « respecter totalement la décision de la Cour Suprême » alors que son homologue français salue cette décision, soulignant « la fin d’un épisode particulièrement douloureux ».  Roberto Gil Zuarth, président de la Commission de justice du Sénat et proche de l’ancien président Felipe Calderón (PAN, centre-droite) déclare de son côté que « c’est un triste jour car les victimes restent sans la satisfaction de voir justice rendue. » Il affirme par la suite que la faute ne peut être rejetée sur l’ancien président mexicain, qui avait fait du « cas Cassez » une affaire personnelle. L’opposition s’engouffre elle dans la brêche. La direction du Parti de la Révolution Démocratique (PRD, gauche) a déclaré que cette décision « permet de mettre en lumière la façon dont les affaires judiciaires se règlent dans notre pays, leur manque de transparence et de propreté. »

Sur l’antenne de Radio Formúla, Jesús Murillo Karam, Procureur Général de la République, fervent opposant à la libération de Florence Cassez a sobrement exprimé sa déception : « Florence Cassez est libérée pour vices de procédure, pas parce qu’elle est innocente. Cette décision est une défaite pour la justice mexicaine. »

Ezequiel Elizalde : « Notre pays est une porcherie »

« La Cour échoue et libère la preneuse d’otages » en Une du quotidien mexicain Milenio du 24 janvier 2012.

 

L’un des témoignages les plus attendus était celui d’Ezequiel Elizalde. Victime du petit ami de Florence Cassez et sa bande, son témoignage incriminant la Française avait été décisif dans l’établissement de sa peine. Le jeune homme n’y est pas allé de main morte, en traitant son pays et ses institutions de « porcherie ». « Je n’en ai rien à faire de ce pays, il ne vaut absolument rien. »

Son témoignage est d’ailleurs en Une du quotidien Milenio, partisan du PRI, sous le titre « La Cour échoue et laisse libre la preneuse d’otages ». Dans son édito, Carlos Marín, directeur général éditorial du journal, se montre particulièrement critique envers la décision de la justice mexicaine. Morceaux choisis :

« « Je ne connais pas grand chose aux lois mais je peux distinguer entre le bien et le mal. » Cette phrase, qui pourrait figurer sur les murs de la Cour Suprême est signée Ezequiel Elisalde Flores, l’un des survivants de la prise d’otage réalisée par la bande criminelle dont faisait partie Florence Cassez, acolyte et petite amie du chef Israel Vallarta. […] Préventifs, les juges qui ont résolu cette énorme injustice ont bien été pointilleux en expliquant qu’ils ne jugeaient pas la culpabilité ou l’innocence de celle que trois d’entre eux, ô paradoxe, ont innocenté. Ce qu’il s’est passé hier à la Cour n’a rien à voir avec le sens pointu du mot « justice ». »

Les juges Sánchez et Ortiz ont été décisifs

De la colère donc, mais aussi un peu d’humour chez les dessinateurs de presse. « Et les journalistes qui filment sa sortie de prison, on ne va les accuser de rien ? » se demande l’un d’eux, dans le quotidien Crónica de Hoy, en référence à la fausse arrestation de Florence Cassez diffusée en direct à la télévision en 2005 et qui aurait brouillé les limites entre réalité et corruption dans ce dossier.

Pour le quotidien, l’élément déterminant dans cette affaire fut le changement d’avis de la juge Olga Sánchez. C’est ce qui est expliqué en Une de l’édition d’aujourd’hui : « Quand elle a vu le manque de succès de son premier projet d’annulation des témoignages des victimes signalant la Française comme  membre du gang Los Zodiaco et de renvoi en appel, elle a changé de stratégie en proposant la libération immédiate : deux autres juges l’ont suivie et… Cassez est déjà à Paris. »

« Cassez sort de prison sur ordre de la Cour » en Une du quotidien Crónica de Hoy de ce jeudi 24 janvier 2013.

Cet avis n’est pas partagé par l’ensemble de la presse mexicaine. Certains ont décidé d’accorder le premier rôle au juge Alfredo Ortiz Mena, qui a remplacé il y a deux mois un autre juge parti à la retraite et qui avait voté contre la libération de la Française. Plus libéral que son prédécesseur, il aurait donc fait pencher la balance en faveur de Cassez. « Le nouveau ministre donne le vote-clé » peut-on lire sur le site du Periodico AM. Même son de cloche chez W Radio qui avance que « le vote du juge récemment arrivé est celui qui a tout changé », et pour Milenio pour qui « le vote d’Ortiz a ouvert la voie pour que la Française retrouve la liberté. »