Le japonnais Hideo Nakata revient sur les écrans avec Chatroom, un film qui relate les relations virtuelles d’adolescents perturbés. Parti d’un bon sentiment, ça ne prend finalement pas…

CHATROOM-de-HIDEO-NAKATA-1

Le pédo, la coincée, la bimbo, le taré et le pleureur. Les ados selon Nakata…

William se balade dans un couloir où chaque porte est taguée d’un drôle de nom. Il en trouve finalement une vierge, sort une bombe de peinture de son sac et inscrit un « Chelsea Teens ! » dessus. Après quelques minutes d’attente dans sa Chatroom, quatre autres adolescents le rejoignent et commencent à discuter dans cet espace.

Il y a d’abord Eva, jeune bimbo superficielle et pas très futée (pléonasme ?). Mais on lui pardonne, vu qu’elle a des faux airs de Cameron Diaz ! Elle rêve de devenir top model, mais reste confinée dans un clan de fashion victims qui la méprisent copieusement. Son stéréotype est, il est vrai, très fréquent sur la Toile.

Ensuite, il y a Emily. Sa page perso est une pièce où trônent des portraits géants d’Angela Merkel et Condoleezza Rice. Pourtant, cette jeune fille coincée ne parle pas beaucoup politique, mais raconte volontiers à ses nouveaux amis ses regrets d’être délaissée par des parents bourgeois.

Mo semble être le plus normal de la bande. Ce jeune gars discute de tout et de rien sans s’affoler, mais ça dérape quand il avoue ressentir une attirance malsaine pour la petite soeur de son meilleur ami.

Jim, avec ses airs de Vincent Delerm sous Prozac, se sent coupable du départ de son père, et trimballe depuis deux ans une pharmacie anglaise à chacune de ses sorties.

William, l’administrateur de la Chatroom, décroche le pompon des tordus. Fils à papa haineux de sa condition, il déteste à peu près tout ce qui l’entoure, à commencer par sa maman, copie conforme de la romancière J.K Rowling. Un de ses passe-temps favoris est de regarder des vidéos de gens qui se tuent devant leur webcam. Avec Jim, il voit l’occasion de pousser lui-même quelqu’un au suicide.

Hideo Nakata, prestigieux réalisateur de The Ring, maîtrise assez bien sa métaphore du Net-Hôtel, avec ses chambres tantôt neutres, tantôt accueillantes, tantôt effrayantes. On appréciera même certaines trouvailles visuelles comme les systèmes de reconnaissance vocale pour illustrer les mots de passe.

En revanche, sa vision trop pessimiste des jeunes qui peuplent la Toile est affolante. Les clavardeurs de Chatroom sont tellement tarés qu’en prenant le film au premier degré n’importe qui interdirait l’ordinateur à son enfant jusqu’à ses 25 ans minimum.

Bien sûr, des snuff movies où on voit des gens mourir pour de bon circulent sur le Net. Mais les regarder n’est pas un passe-temps d’ado lambda. Dans le film de Nakata, il manque tout le reste, comme l’échange participatif du savoir. William se révèle être un petit génie de l’informatique sans son bac. Il a forcément appris à pirater sur un forum ou en discutant avec un passionné, mais on n’en saura finalement rien.

Hideo Nakata ne le sait peut-être pas, mais les jeunes utilisent aussi l’Internet pour prolonger le réel. Quand les systèmes de messagerie instantanée comme MSN Messenger se sont popularisés, les ados ont conversé en priorité avec des copains de classe ou des personnes qu’ils connaissaient dans la vraie vie. Et si un.e inconnu.e au bataillon se glissait dans leurs contacts, le virtuel devenait le moyen de se voir en vrai.

Les ados perturbés de Chatroom se morfondent dans leur solitude sans jamais se dire « Si on se rencontrait au parc ou en ville ? », mais plongent tête baissée dans le délire du psychopathe manipulateur. Cette apologie de l’isolement nuit au message de Nakata dont on ne retient au générique de fin qu’une vaste foire aux stéréotypes trop éloignée de la réalité…