Les festivaliers du Livre à Metz ont assisté samedi 12 et dimanche 13 avril 2015 à une leçon de philosophie animée par le provocateur Alain Guyard, qui répond aux nombreux titres de philosophe forain, de bonimenteur métaphysique, de décravateur de concepts ou encore pétomane mental.

« La peur du bon Dieu suffit-elle pour limiter le nombre de salauds ? » Posée au baccalauréat 2015, cette question surprendrait plus d’un lycéen, tant la philosophie se confine aujourd’hui dans un cadre sophistiqué. Alain Guyard ne supporte pas que la philosophie reste enfermée entre les murs des lycées et des universités. Ce « philosophe forain » vagabonde dans les prisons, les hôpitaux, les bistrots et autres lieux atypiques, loin des rassemblements d’intellectuels.  Fidèle à l’esprit de la maïeutique de Socrate, il considère que tout le monde est capable de se prêter au jeu de la réflexion philosophique. « Il suffit simplement d’avoir les outils de réflexion nécessaires » estime-t-il.

Samedi 12 et dimanche 13 mars 2015, il s’est arrêté au festival Livre à Metz pour dédicacer ses ouvrages et partager ses traits d’esprit avec le public autour d’un apéro philo.

 

Show comique ou cours de philosophie ?

Un survêtement de sport surmonté d’une veste cintrée en velours, des favoris étirés jusqu’à la commissure des lèvres ; sans prononcer un mot, Alain Guyard incarne déjà son personnage : celle d’un professeur de philosophie excentrique et provocateur. Il offre à son public autant un cours de philosophie qu’un numéro de saltimbanque.

« Un exposé de mauvais goût mais de bon style » assume Alain Guyard. Le « bonimenteur de métaphysique » parle fort. Il martèle son discours, à la manière d’un présentateur de cirque. Il rit avec son public, joue avec les spectateurs et utilise un langage caricatural. Entre deux blagues graveleuses, le philosophe explique les concepts des auteurs classiques.

Quel professeur de philosophie commence son cours en se moquant de la moustache de Nietzsche ? « Ce serait trop bien de pouvoir jouer Nietzsche au Scrabble » plaisante le « décravateur de concepts ». Il confesse lui-même la difficulté d’appréhension des écrits du penseur allemand : « Qu’est ce que c’est que ce merdier ? C’est quand même vachement creusé ». A l’aide d’exemples simples comme la descente en enfer d’un mari quitté par sa femme, sa fille lesbienne et dépossédé de sa Porsche, le « pétomane mental » rend abordables les idées qui semblent les plus alambiquées.

Après les attentats, décomplexer la religion

En choisissant de traiter la question des croyances religieuses, Alain Guyard aborde un sujet particulièrement sensible depuis les attentats à Charlie Hebdo. Il dédramatise totalement la situation. « J’ai dessiné Dieu, même si je sais qu’il ne faut pas le faire. » confesse ironiquement le philosophe en tendant ses griffonnages au public. En démontrant que les différences entre les religions n’ont pas d’importance, il relativise les conflits de valeurs entre croyants.

Le professeur en profite pour citer Rousseau pour qui la foi est avant tout un sentiment intérieur. Il revient sur la notion « d’instinct divin » évoquée dans un texte de l’auteur, intégrant la notion de spontanéité dans la religion. Inutile donc d’aller à la messe tous les jours, la croyance religieuse peut se passer des rites cérémonieux. « Au fond, la religion ça fabrique des gens chics, avec des cœurs gros comme ça ! » caricature Alain Guyard, à l’aide d’un dessin de bisounours.

Le terrorisme est la preuve que l’athéisme a gagné, mais pas encore assez

Il confronte ensuite cette réflexion à des extraits d’Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche. D’après ce dernier, l’idée de Dieu ne vient pas de l’au-delà mais de l’être humain lui même. L’Homme a créé cet être éternel de toute pièce, par peur du changement. Il est rassurant de penser son corps au service d’un idéal immuable. Le philosophe allemand rappelle qu’à force de chercher un but à son existence on finit par mener une vie servile.

Toujours d’après Nietzsche, l’idée de Dieu est en train de mourir. Or, certains hommes, pas assez courageux pour l’admettre et accepter la transformation du monde, instaurent la terreur. Pour Alain Guyard, cette réflexion correspond parfaitement aux extrémistes religieux d’aujourd’hui.  « Le terrorisme est la preuve que l’athéisme a gagné, mais pas encore assez » se désole-t-il en conclusion.