Ils ne sont ni critiques, ni professionnels, mais leur regard compte. Du 6 au 12 octobre 2025, le jury étudiant du festival War on Screen a visionné, débattu et échangé avant de décerner son prix. Une semaine plongée dans les salles de projections de Châlons-en-Champagne, pour faire entendre la voix des jeunes.

De gauche à droite: Sheymâ Ghlissi; Hélène Marcilloux; Angèle Gombault; Arthur Himpe; Gibril Ben El Khailia; Théo Painpeny; Mathias Fumont; Liberté Viala; Charlotte Nihoul; Sidonie Chaplain-Duret et Lola Patin.

Festival indépendant de cinéma, War on Screen célèbre sa douzième édition. Aux côtés du jury professionnel, un jury étudiant décerne son propre prix. Issus de diverses écoles et universités, ces jeunes cinéphiles apportent un regard neuf et curieux sur les films présentés.

Les membres du jury étudiant sortent d’une interview avec « La Gazette », le journal quotidien du festival, animé par une équipe de rédacteurs étudiants.  Badges à leurs noms accrochés au cou, ils s’apprêtent à rentrer dans le théâtre de La Comète -Scène Nationale. La première projection de la journée est « Le Pays d’Arto », réalisé par Tamara Stepanyan. Les onze étudiants s’installent à leurs places réservées au milieu de la salle, indiquées par de beaux tissus rouges. 

La salle est décorée aux couleurs du festival, et des affiches arborent les recoins. Après une brève présentation du film et de sa réalisatrice, la salle est plongée dans le noir et le silence. Chacun se concentre sur l’écran. Certains prennent des notes pendant la séance, d’autres après, d’autres encore préfèrent simplement observer. A la sortie, les débats commencent :

–               « Tu as bien aimé toi ? »

–               « Moi j’ai trouvé ça très long… mais j’ai beaucoup aimé la musique ! »

 Vue de la salle de projection de La Comète– Scène nationale de Châlons-en-Champagne.

Entre goût du cinéma et regard d’étudiant

La force du jury tient à la diversité de ses profils. « Moi, j’apporte un regard d’étudiant, c’est avant tout pour ça qu’on est là », confie Lola. D’autres sont plus cinéphiles « J’ai une tentative d’expertise, c’est un bon challenge pour nous ». 

L’ambiance est bon enfant, les échanges sont consensuels. Le groupe revendique un regard sincère et spontané. « Perso, je n’ai jamais étudié le cinéma, mais j’adore ça. J’aime surtout échanger avec les autres, c’est ça qui rend le festival passionnant ».

« On a les mêmes goûts »

Le samedi, la pause déjeuner à servi de lieu de débat pour la projection du matin : Le Pays D’Arto. Les discussions se poursuivent sur un ton léger. « On a un peu les mêmes goûts, donc c’est cool ». Le vrai débat aura lieu dimanche : les étudiants auront deux heures et demie pour désigner le lauréat du Prix étudiant. Pour l’instant, ils sont plutôt d’accord, trois films sortent du lot, reste à savoir comment ils parviendront à trancher…

Donner la parole aux jeunes

Pour ces jurés en herbe, participer au festival War on Screen surpasse le simple visionnage de films. C’est une occasion de faire entendre la voix des jeunes, dans un espace culturel trop souvent dominé par les professionnels. « C’est ultra important de nous donner la parole », insiste Arthur, étudiant en école d’ingénieur. « On va tous, d’une manière ou d’une autre, avoir un rôle dans la société, parfois même dans la défense. Grâce à ce festival on réfléchit et on apprend à voir autrement, c’est une ouverture incroyable. »

Vue depuis les fauteuils de l’auditorium du lycée Pierre Bayen, pour la projection de “Under the Volcano” (Damian Kocur)

Le groupe évoque aussi la place du cinéma dans la vie des jeunes. « Avec Letterboxd*, il y a une vraie effervescence, mais ça se transforme en course aux films, qui gâche un peu le plaisir » remarque Sidonie. Sheymâ déplore le manque d’accessibilité : « La culture devient de plus en plus chère. Par exemple, le pass culture a baissé, les places de cinéma coûtent une fortune aux étudiants. On nous encourage à nous cultiver, mais on ne nous donne pas vraiment les moyens ». 

Un regard qui évolue 

Au fil des séances, les étudiants sentent leur regard évoluer. « Je suis devenu beaucoup plus critique » confie Gibril. « Ces films, on ne les verrait jamais dans les cinémas habituels. Maintenant, après chaque projection, j’ai envie d’aller lire les critiques, confronter les points de vue. »

Sheymâ renchérit : « Ça change notre rapport au cinéma. On découvre des cultures, des conflits dont on ignorait tout. Par exemple, Les Fleurs du Manguier (Akio Fujimoto) m’a marquée, je ne connaissais rien de cette histoire. »

L’expérience a aussi un impact personnel: « On fait des rencontres, on apprend énormément. Personnellement, cela m’a fait remarquer que le domaine du cinéma était plus accessible qu’on ne le croit. Moi, je voyais ça comme un milieu fermé, mais ici, on rencontre des gens qui nous prouvent que tout est possible. C’est très motivant. » affirme Sidonie. 

Quand vient l’heure de trancher

Dimanche, le jury étudiant a choisi de récompenser « Imago », de Déni Oumar Pitsaev. En donnant la parole à ces jeunes jurés, ce festival rappelle que le cinéma n’est pas seulement une affaire d’experts, mais aussi de regards nouveaux et innocents. Une façon de rappeler que la culture doit vivre, et pour cela, doit s’ouvrir aux générations futures. 

Affiche du film « Imago » de Déni Oumar Pitsaev, ayant reçu le prix du jury étudiant.

*letterboxd : plateforme en ligne pour se rassembler autour des films, commenter, partager.