Pour cette dernière journée du colloque « Télévision, information et numérique : pratiques et publics », organisé par le Centre de Recherches sur les Médiations (Crem) de l’Université de Lorraine à Metz, le conférencier Simon Gadras exposait ses recherches sur l’utilisation de Twitch pendant le second tour de la présidentielle 2022. 

Les particularités d’une plateforme participative. 

Après avoir ajusté son micro pour remercier le Crem pour ce colloque, le chercheur à l’université Lyon 2 a présenté ses travaux sur le paysage médiatique actuel français. Il s’est penché en particulier sur l’irruption de Twitch dans la campagne présidentielle. A l’origine utilisé par et pour les gamers, qui streament leurs parties (c’est-à-dire diffusent et animent en direct), le site a partiellement muté en une plateforme politique pour le débat d’entre-deux tours. Les streamers amènent avec eux une volonté d’indépendance, en s’éloignant des contraintes traditionnelles de la télévision. En 2022, les soirées politiques ont été chargées médiatiquement, avec des lives pouvant durer jusqu’à 7 heures.  Moins sérieux mais plus libre que les programmes télévisés, il est possible pour un spectateur sur Twitch de participer, répondre aux sondages et commenter les propos de l’animateur en temps réel. Grâce à cette légèreté de ton, certaines chaines dépassent un million d’abonnés (les directs du streamer Sardoche par exemple rassemblent environ un million de personnes).

D’anciens journalistes « traditionnels » se sont convertis en animateurs sur leurs chaînes respectives, comme Samuel Etienne ou David Dufresnes. Simon Gadras, le maître de conférence estime que les streamers peuvent avoir une position critique ou explicative sur les débats qui se déroulent sous leurs yeux mais, l’envie principale est celle « d’être ensemble dans un moment cérémonial ».

Un membre du public soulève cette interrogation  » quel lien il y a t-il entre les idées extrêmes et les joueurs de jeux vidéo, notamment sur les forums de discussion ? ». Le conférencier rappelle l’avantage de Twitch et ses dispositifs de modérations qui cadrent la parole des streamers. 

Une nouvelle façon d’aborder la politique ? 

Lors du débat d’entre-deux tours le 20 avril, le professeur d’université a analysé le contenu proposé par les différents streamers. Il rappelle que ce rituel politique date de 1974 en France et incarne le point culminant d’une campagne présidentielle. En 2022, Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’affrontaient pour la seconde fois après 2017. Or, face à un débat « déjà vu », la nouveauté se trouvait en coulisse de cette émission, puisque Twitch s’est invitée à l’évènement.

Simon Gadras a alors réalisé une étude croisée de 9 lives Twitch qui reprenaient la joute entre le président sortant et la candidate RN. Avec la multiplication des streamers, de nouvelles communautés politiques et numériques se forment en fonction des orientations politiques. Le chercheur donne l’exemple de Usul, Lasainte ou Hugocouturier, qui s’adressent à des publics avoisinant d’une trentaine d’années, et dont les chiffres varient entre 500 et 70 000 abonnés (au 29 avril). Selon lui, c’est enfin un moyen pour les hommes et femmes politiques de discuter presque directement avec les Français sans passer par les artifices médiatiques. Pour l’instant, les audiences sur la plateforme restent néanmoins marginales lors d’un évènement télévisé de cette ampleur. 

Simon Gadras a répondu aux questions de Louane Frison et Imrane Baroudi.