Laurence May-Bolsigner. Crédits : Delphine Studio

Chorégraphe, professeure et maître de ballet à l’Opéra-Théâtre, Laurence May-Bolsigner a dédié sa vie à la pratique de la danse. Aujourd’hui, elle regarde avec fierté et recul le chemin parcouru. 

Dès son arrivée, Laurence May-Bolsigner tranche. Notre entretien se déroulera au Grand séminaire de Metz, où s’entraîne la troupe de danseurs. Plus chaleureux que son bureau, délocalisé dans une zone industrielle pour cause de travaux à l’Opéra-théâtre.« Et ça vous fait découvrir un bel endroit ! » s’illumine-t-elle. C’est ce souci des autres que Laurence May-Bolsigner dégage en premier lieu, à travers un sourire franc et une assurance enveloppante.

Elle, c’est la danse qui l’a enveloppée. Dès son enfance. Avec une maman « très aimante », professeure de danse, et ex-danseuse à l’Opéra-Théâtre de Metz. « Elle a ouvert son école de danse à Hagondange, et moi j’étais encore trop petite pour danser. Je regardais sur le bord de marche les petites filles prendre des cours. C’est un peu comme si on vous mettait un gâteau sous le nez ». Inscrite à l’école de danse à cinq ans, puis au conservatoire, elle est embauchée à seize ans en tant que danseuse professionnelle à l’Opéra-Théâtre. Cette passionnée y évoluera, mais ne le quittera plus.

Une vocation

À 56 ans, Laurence May-Bolsigner est désormais cheffe de ballet et chorégraphe. Ses grandes lunettes noires contrastent avec un carré blond platine, ses yeux pétillent lorsqu’elle relate son premier souvenir de danseuse. « J’avais été choisie au conservatoire en 1986 pour danser un passage de Casse-Noisette. La soliste s’était blessée, alors le spectacle avait été reporté. Sauf qu’entre-temps, j’ai été embauchée en tant que danseuse professionnelle. Une fille n’avait pas encore confirmé son rôle, alors le maître de ballet m’a donné une cassette VHS pour que j’apprenne la chorégraphie pour le lendemain. J’ai eu deux semaines pour m’entrainer, puis j’ai dansé les ensembles avec les professionnelles qui étaient là depuis longtemps. C’était fou et tellement excitant ! Je voulais montrer que j’étais capable de faire tout ça ».

Un besoin de recul

Consistance, concessions et exigence ont forgé Laurence May-Bolsigner sur le plan professionnel et humain. En 2012, elle stoppe sa carrière de danseuse et devient maître de ballet, passant ses journées en compagnie de la troupe décrite comme une « grande famille » afin de travailler les chorégraphies. « On était tout le temps ensemble et à force d’être trop les uns sur les autres, il y avait parfois de forts moments émotionnels qui pouvaient créer des affinités ou des tensions ». En 2022, un besoin de recul pousse la passionnée à devenir cheffe de ballet , une fonction plus organisationnelle.

Lorsque danse rime avec omniprésence

« Du temps libre, je n’en ai pas beaucoup », confie Laurence May-Bolsigner. « Lorsque je ne suis pas à l’Opéra-Théâtre, j’enseigne la danse à des élèves à Hagondange ». La multi-casquette alterne entre chorégraphe, professeure de danse et cheffe de ballet. Avoir transformé sa passion en métier lui procure une certaine gratitude. « Je n’ai pas un métier comme tout le monde, c’est une chance et j’ai réussi à le faire » insiste-t-elle. La tête sur les épaules, la créative affirme qu’aujourd’hui, sur le plan professionnel, elle n’a ni regrets ni remords.

« Le lien du miroir est très fort »

Mais derrière cette force tranquille, il y a aussi une part de fragilité. Son corps, longtemps instrument de son art, n’est plus tout à fait le même. « Moralement, c’est difficile d’accepter que j’avais autrefois une silhouette de danseuse, et qu’aujourd’hui j’ai le corps d’une femme de presque soixante ans qui a connu deux grossesses. Le lien du miroir est très fort dans notre métier ». Alors, elle créé « sa mode personnelle ». Chaussettes colorées, t-shirts illustrés « un peu kitch » selon elle, Laurence May-Bolsigner s’habille selon les occasions, souvent pour faire plaisir à ses élèves. « C’est bientôt Halloween alors aujourd’hui je suis dans le thème », lance l’enseignante en regardant son haut noir et rouge avec un personnage fantaisiste dessiné dessus.

Authentique et pleine d’humour, une chose ne fait aucun doute en discutant avec : son envie de partager sa passion, en créant. Alors, lorsque Laurence May-Bolsigner voit le public se lever et applaudir un spectacle de ballet, l’ex-danseuse y voit le fruit de ses années de travail passionné.