Nous sommes en Janvier 2013. Isabelle Mire, institutrice de 65 ans à la retraite et membre du Réseau éducation sans frontières, reçoit un coup de téléphone. Un élu de Forbach lui demande d’accueillir une famille kurde fuyant la guerre en Syrie tout juste arrivée sur le sol français. Il s’agit de la famille Scharkas. Très vite, elle s’aperçoit qu’Anwar, le père de famille, a subi des violences policières. Les enfants eux aussi gardent des traumatismes liés à la guerre et à l’arrivée brutale en Europe. Depuis, ils se sont adaptés à la vie en France. La famille Alsalah est arrivée la même année et a rencontré les mêmes problèmes. Rencontre avec les membres de deux familles syriennes.  

 

«Aux dires de cet élu, la famille Scharkas paraissait très éprouvée, c’est ce que j’ai pu constater dès le lendemain en allant les accueillir à la gare de Metz » explique Isabelle Mire. Fraîchement débarquée en France après 6 mois de vie en Allemagne, la famille ne parle pas encore le français. L’échange se fait en allemand. « La famille avait subi un accueil extrêmement choquant et brutal à son arrivée en Europe » déplore l’ancienne institutrice. Débarquée par avion à l’aéroport de Marseille, la famille est placée en Zone d’Attente pour être refoulée vers le Maroc, dernier pays traversé. Isabelle Mire précise : « Zone d’attente veut dire « sorte de garde à vue »… ».

Par trois fois, Anwar, le père, subi des violences policières dans le but de le forcer à monter dans un avion vers le Maroc. Il se casse la voix pour faire comprendre sa situation aux forces de l’ordre. «Les enfants ont assisté à cela, très effrayés ils ont été traumatisés : cauchemars, énurésie, pleurs incessants. J’ai moi même constaté ces troubles lorsqu’ils sont arrivés à Metz soit plusieurs mois après cet épisode» raconte Isabelle Mire. Après cette zone d’attente la police de l’air et des frontières les libère, accédant ainsi à leur demande de rejoindre l’Allemagne pour demander l’asile politique afin d’y retrouver le reste de leur famille. Ils vivent alors six mois en Allemagne.

Isabelle Mire explique la suite : « Mais leur demande d’asile fut rejetée car la police de l’air et des frontières de Marseille avait pris soin de relever leurs empreintes avant de les relâcher. Ils tombaient donc sous le coup du règlement  de Dublin II qui ordonne au premier pays ayant relevé les empreintes d’instruire la demande d’asile ».

Un petit matin de janvier, la famille Scharkas se retrouve expulsée d’Allemagne  pour être remise aux autorités françaises. « Ces dernières les ont littéralement jetés en gare de Forbach sans aucun management comme j’ai pu voir en retournant chercher leurs bagages à la gare de Forbach. Les troubles des enfants ont repris …» dénonce t-elle. Cependant le personnel de la  SNCF se montre particulièrement attentionné envers eux. Les voyant démunis et déprimés après une journée à attendre à la gare sans savoir quoi devenir,  les cheminots organisent leur première nuit à l’hôtel, s’occupent de leur trajet jusqu’à Metz et avertissent l’élu qui a pu téléphoner par la suite à Isabelle Mire.

La situation s’améliore alors pour la famille. Un Centre d’Accueil International, l’ADEPPA de Vigy lui ouvre ses portes, beaucoup plus longtemps que ce qui est initialement prévu. Dans ce petit village mosellan, les enfants sont accueillis à l’école. L’insertion de la famille est exemplaire. À tel point qu’une fois l’asile politique obtenu, le père, Anwar, se voit offrir un emploi sur place. De son côté et avec l’aide du Réseau éducation sans frontières, Isabelle Mire les accompagne dans leurs démarches administratives. Leur vie en France est désormais plus paisible.

 

Rencontre avec la famille Scharkas et la famille Alsalah (vidéo interactive)

 

 

Les origines de la guerre en Syrie

 

Uranie Tosic et Adrien Farese