Depuis quelques années le centre-ville de Thionville peine à attirer de nouveaux commerçants. Locaux fermés, changements de propriétaire, les abandons s’enchaînent. Redynamiser le commerce ? Les questions se posent mais le pari semble compliqué à relever.

 

Deuxième ville de Moselle avec plus de 40 000 habitants, Thionville voit son cœur de ville déserté par les commerces peu à peu. Au coin d’une rue, entre deux kebabs, des locaux vides ternissent le paysage. Si les kebabs continuent d’attirer les collégiens et les lycéens de la ville, le commerce du cœur de ville a tout de même du mal à remonter la pente. « Local fermé », « changement de propriétaire », voici ce qu’on peut lire sur les locaux vides situés de part et d’autre du centre. « C’est très difficile aujourd’hui. Le manque de trésorerie et la solitude du commerçant… Ils n’ont pas la possibilité d’embaucher parce que les charges sont trop lourdes donc c’est plus difficile pour eux » explique Carol Thill, présidente de l’Association des Commerçants de Thionville (APECET). La ville de Thionville compte actuellement près de 200 commerces dont une quarantaine au cœur de ville. Mais aujourd’hui la clientèle tend à diminuer. Pour cause, les nombreuses zones commerciales qui se sont développées autour du centre ville. D’abord le Geric, créé par les commerçants eux-mêmes en 1971, puis les différentes phases de développement de la zone d’activité commerciale du Linkling (1, 2 puis 3 !). Enfin SuperGreen, ouvert il y a 2 ans à Terville en proximité immédiate. Les grandes enseignes présentes dans ces zones n’ont de cesse d’attirer les clients. Contrairement au cœur de ville, qui dispose de commerces indépendants. Un choix, qui fait défaut aux commerçants. « Nous avons perdu entre 20% et 25% de notre chiffre d’affaires par rapport à l’an dernier » justifie Marie Santini, responsable du commerce King of Donuts. Un point de vue qui se discute avec la municipalité, pour qui le bilan est plutôt positif. Mais le résultat est là. Les locaux vides depuis des années demeurent inoccupés. De nouveaux commerces ouvrent pendant que d’autres ferment et les clients peinent à s’intéresser aux boutiques indépendantes.

Renouer avec les frontaliers

 

L’autre grande difficulté du cœur de ville est la frontière avec le Luxembourg. Thionville compte près de 7 000 frontaliers. Même si le Grand Duché permet de leur redonner du pouvoir d’achat, le cœur de ville, lui, ne suit pas. « Généralement, il est 18h30 et quand ils (les frontaliers) traversent la ville, les commerces sont déjà fermés » explique Jean-Charles Louis, premier adjoint au maire de Thionville, délégué aux finances, au développement économique et au commerce. Une situation qui favorise le commerce au Luxembourg mais aussi dans les zones commerciales. « Il faut s’adapter aux nouveaux modes de consommation et aux nouveaux horaires de consommation » ajoute-t-il. Ouvrir plus longtemps ou encore sur le temps de la pause déjeuner ne plait pas à tous les commerçants. « Il y a des commerçants qui jouent le jeu et d’autres qui ne le font pas et finissent par baisser les bras » ajoute Eric Sammartano, conseiller municipal en charge du commerce. Mais bien que les horaires soient encore à revoir, le marché de Thionville lui continue d’attirer une clientèle qui ne cesse de s’accroître. Chaque samedi, Thionvillois mais aussi Luxembourgeois se rendent au cœur de ville. Un bon moyen d’attirer leur curiosité et de les inviter à découvrir les commerces. « Il faut apporter un accueil chaleureux, offrir le café, discuter avec les gens. Ils ont besoin qu’on les écoute. » précise Eric Sammartano. Pour inviter les clients à se rendre au centre-ville pour faire leurs courses, le maire Pierre Cuny a mis en place, depuis le 1er janvier 2018, 2h de parking gratuit le week-end, ainsi que les 30 premières minutes en semaine. De quoi faire plaisir à plus d’un.

 

Un local fermé depuis plusieurs mois peine à trouver un nouveau propriétaire. Copyright Noémie Koppe

Un manager de ville comme solution ?

 

Afin d’être le plus efficace, la ville de Thionville envisage de suivre le même exemple que celle de Mulhouse. Embaucher un manager de ville. La municipalité et l’Association des commerçants (APECET) ne sont pas contre la création de cet emploi. Un poste qui a pour objectif de mettre en œuvre des plans afin de renouveler et redynamiser le centre ville. Des rénovations à un nouveau mobilier urbain, en passant par l’installation d’œuvres artistiques en plein air. Un investissement qui s’est montré être une belle réussite à Mulhouse. Pour une ville de 110 000 habitants, le manager de ville Frédéric Marquet a réussi à redynamiser le commerce, comptant en moyenne deux ouvertures de commerces pour une fermeture. Soit 63 locaux vacants en 2015 contre 109 en 2011. Un poste qui ne déplaît pas au conseiller municipal en charge du commerce de Thionville « je soutiens ce projet, manager de ville c’est bien et ça donne du boulot à quelqu’un d’autre ». En plus de son soutien, Eric Sammartano a accueilli M. Marquet en février pour une visite du cœur de ville. Accompagnés de la présidente de l’association des commerçants (APECET), Carol Thil, ils ont sillonné les rues afin d’établir un possible plan de restructuration. « L’idée était de faire prendre conscience au maximum de personnes (élus de Thionville, la député, des commerçants et autres personnes qui représentaient la société civile), de faire passer un message fort pour dire qu’il n’y a pas de fatalité, qu’on peut réussir en se mobilisant tous », déclare Carol Thil. Un investissement qui est toujours en discussion. Mais si la municipalité et l’association des commerçants désirent renouveler le centre avec un manager, l’idée de le repeupler est aussi en projet. De grands projets qui devront faire leurs preuves.

 

Noémie Koppe