A compter de la prochaine rentrée, les licences universitaires  pourront exiger des pré-requis à l’entrée de leur cursus. Jusqu’alors accessibles à tous les bacheliers, et sans sélection, les ratés de l’algorithme Admission-Post Bac ont poussé le gouvernement actuel à initier une réforme de l’université.

La mise en place de « pré-requis »  à l’entrée de l’université ressemble, de plus en plus, à une forme de sélection. En cause : le tirage au sort, pratiqué à l’été 2016 pour l’accession à certaines filières dite « en tension », semble injuste. Pourtant, le manque de place était prévisible dès les années 1980. La forte croissance des effectifs s’est pérennisée.

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Cette augmentation de la population étudiante s’est doublée d’une offre universitaire plus riche. Toutefois, la massification des études supérieures ne s’est pas accompagnée d’une augmentation des moyens alloués aux universités publiques.

Managérialisation de l’université

De réformes en réformes, l’Etat a favorisé l’autonomie des universités, notamment via la loi relative aux libertés et aux responsabilités de l’université (dite loi « LRU »). Le désengagement de l’Etat a entraîné la baisse des dotations. Ce qui a conduit les établissements à s’endetter. Toujours est-il que ces derniers doivent gérer leur masse salariale, tout en faisant face à l’afflux d’étudiants… Sans moyens suffisants. En 2013, l’université Saint-Quentin en Yvelines a même frôlé la fermeture.

La loi LRU prévoit aussi un volet « performance ». Ce qui semble faire glisser l’université de l’Institution à l’Organisation. Cet établissement public n’échappe donc pas à la managérialisation. L’objectif est de rendre les universités plus efficientes à moindre coût. L’université subit la mise en place de principes et de techniques inspirés du secteur privé.  Ce « nouveau management public » atteint d’ailleurs tous les domaines de l’Etat. A titre d’exemple, le secteur de la santé a été fortement impacté par ce nouveau type de gestion, fondé sur la productivité et la réduction des dépenses. En outre, la multiplication des classements internationaux des universités, comme le classement de Shanghai, a encouragé une mise en concurrence des établissements. Ce qui a favorisé une forme de benchmarking.

Confrontation des valeurs

Dans ce contexte, la réforme actuelle de l’université ne sort pas de nulle part. Cette position de rendre l’université efficiente, compétitive, et sélective, marque alors une véritable rupture symbolique entre deux visions de l’université. D’un côté, une université accessible sans sélection. Et de l’autre, une université d’excellence et productive, brillant sur la scène européenne voire internationale.

L’exemple type de cette vision est l’établissement Paris Dauphine, sélectif (avec des pré-requis) et cher, qui s’éloigne  de l’Université et se rapproche plutôt du système des  « Grandes Ecoles ». En somme, une université abandonnant son activité d’intérêt général avec un principe d’égalité, et sans sélection, au profit de l’élitisme et de la performance. Si ce modèle venait à se généraliser, l’enseignement supérieur laisserait alors à la marge des étudiants déjà marginalisés, au profit de ceux les mieux dotés culturellement, socialement et financièrement.  


Trois lois clés

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La réforme de l’université ne date pas d’aujourd’hui

La réforme de l’université ne date pas d’aujourd’hui


Pour aller plus loin :

  • Valérie Albouy et Chloé Tavan, Accès à l’enseignement supérieur en France : une démocratisation réelle mais de faible ampleur, Economie et statistique n° 410, 2007
  • Mailhot, Chantale, et Véronique Schaeffer. « Les universités sur le chemin du management stratégique », Revue française de gestion, vol. 191, no. 1, 2009, pp. 33-48.
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UFR SHS de l’université de Lorraine (Metz)