Loin d’être une nouveauté, le jeu de société attire pourtant de plus en plus d’adeptes. Aujourd’hui, personne ne peut nier posséder un Monopoly dans son armoire, ou du moins, n’y avoir jamais joué. Tous connaissent Hasbro, le numéro 1 en France du jeu de société, bien présent en grande surface. Pourtant, une multitude de productions est délaissée de la grande distribution. Sur Metz, de petites enseignes proposent des jeux peu présents dans les rayons des grandes enseignes.

Interview de Pierre Oliver Schwitzer dit Pierro, vendeur de jeux undergrounds au Petit-Peuple, et avant tout passionné.

Le jeu de société alternatif attire-t-il de plus en plus d’adeptes ? 

Pour interview sur le jeu de société alternatif
Pierre Olivier Schwitzer, dit Pierro, vendeur, mais passionné avant tout

« Les jeux que nous vendons se tirent à 6000 exemplaires dans toute la France, ce qui est ridicule par rapport au marché du loisir en général. Par contre, ce que l’on remarque, c’est que les éditions tombent en rupture de stock plus vite qu’avant. L’année dernière, le marché du jeu de société a augmenté en terme de chiffre d’affaire de 30%, ce qui est significatif, surtout en période de crise. C’est d’ailleurs cette progression qui fait que les grosses enseignes s’intéressent aux jeux alternatifs. Il y a peu, leurs rayons ne comptaient que les grandes licences commerciales du genre, « Monopoly » ou « La bonne paie ». Je pense que le jeu alternatif se popularise mais que le concept a encore besoin de se réformer, de se maturer. La particularité de ce genre, c’est qu’on peut en faire sur n’importe quel thème. Je n’ai pas trouvé un seul domaine dans lequel ce ne serait pas possible. Il s’adapte à tous les publics en fonction des centres d’intérêt de chacun. »

Dans de petites infrastructures comme la votre, on ne retrouve quasiment aucun jeu présent dans la grande distribution, et vice vers, pourquoi?

« Déjà par conviction, dans la grande distribution, on retrouve surtout un style de jeu. Ceux qui misent sur le hasard. Peut-on dire qu’il y a une stratégie dans le Monopoly ? A ce jeu, généralement, quand on a de l’argent, on achète, mais après ? J’essaie de miser sur une gamme ou les jeux donnent une grande marge d’autonomie, les meilleurs étant les jeux de rôle, ou les possibilités sont quasi infinies dans la limite de l’imagination du joueur. Ensuite, l’avantage de la grande distribution, c’est qu’il achète en grande quantité et bénéficie de coûts d’achat souvent moins élevés, je ne peux pas concurrencer ça. Le problème actuel est que les éditeurs avec qui on travaille, comme Asmodee, se popularisent, et commencent à devenir intéressants pour les grosses enseignes. Et il est difficile de jouer sur le même terrain qu’eux. »

LE JEU, C’EST COOL

Comment donner ou redonner goût au jeu de société ?

« Personnellement, je triche, je suis quelqu’un de convaincu. Je pense vraiment que le jeu, c’est cool. Je vais pas me cacher, je suis vendeur, mais je peux difficilement vendre quelque chose si je ne suis pas convaincu. J’invite les gens à essayer, s’ils veulent, c’est bien, s’ils ne veulent pas, tant pis. La porte est grande ouverte. Le simple fait de voir des gens, de leur montrer, de défendre notre passion, c’est important. Ce qu’il faut savoir, c’est que ce milieu est très dynamique, on dispose régulièrement des stands lors de festivals médiévaux, de kermesses de villages, de conventions spécialisées, nous avons un partenariat avec le bar La Comédie ou l’on prête des jeux pour certaines soirées, avec un animateur. Tout cela pour partager. Après je ne me cache pas, si ce système peut concrétiser des ventes, c’est un plus. Mais le meilleur ambassadeur du jeu de société, c’est le bouche à oreille. C’est indéniable, il n’y a rien de tel pour donner envie que de passer une bonne soirée entre amis autour d’un jeu. »

Exemple concret de la passion des animateurs dans le milieu: ce trailer réalisé pour la convention « Epeek » ayant eu lieu à Metz en Octobre 2013

On reproche régulièrement aux joueurs de jeux vidéos de développer un comportement antisocial, vous êtes de cet avis ?

« Je suis moi même un joueur de jeux vidéo, il m’arrive de « geeker » longtemps sur un jeu. Même, s’il y a des sessions multijoueurs, on a aucun contact direct. Finalement, ce phénomène est assez récent, les jeux en général ne proposent plus de multi-player en dehors du réseau internet. De même sur ordinateur, aujourd’hui, qui joue encore en LAN ? Je ne dénigre pas le jeu vidéo, mais en dehors de quelques exceptions, le joueur est physiquement seul devant son écran. »

Les jeux de sociétés peuvent-ils alors raviver l’esprit communautaire ?

« Ce n’est pas miraculeux, ça ne reforme pas des liens humains. Le jeu de société peut tout aussi être isolant que le jeu vidéo, la simple différence est que l’on s’isole en groupe. C’est un concept pour partager, mais ce n’est pas parce que je vais acheter un jeu de société que je vais avoir une vie sociale. Il faut aller soi-même voir des gens, démarcher avec eux. C’est par contre un très bon outil, il est bien plus agréable d’être en face à face pour défier un joueur, faire un clin d’œil à un autre pour l’aider. Il peut aider, mais à condition que l’on ait envie de partager un moment. »

Le jeu de société a de beaux jours devant lui, peut-être entre-t-il même dans un nouvel age d’or. De nouveaux développeurs arrivent avec des idées novatrices et se font remarquer. Le marché développe même une certaine culture basée sur la passion et l’envie de partager. A savoir si ce nouvel engouement est un phénomène de mode, ou qu’il restera encore longtemps connu pour son rôle convivial. Une chose est sûre, les joueurs de jeux vidéo seront bien tristes pendant une panne de courant alors que vous vous amuserez en commun à un jeu de société sous la lueur d’une bougie.