A l’occasion du 20ème anniversaire de la chute du mur de Berlin, le label Le Son du Maquis sort Berlin 61-89: Wall of Sound, une compilation retraçant 28 ans de création au sein d’une Allemagne coupée en deux. Une période fondatrice pour la musique alternative et contestataire d’Outre-Rhin.

L’après-guerre pour un jeune allemand, c’est avant tout la quête d’une identité, entre frontières et occupants américains, français, anglais et russes. En réaction au diktat musical des idoles anglo-saxonnes, les groupes allemands cherchent de nouveaux sons: psychédélisme ambiant et rigueur teutonne donneront naissance au krautrock, le « rock choucroute » raillé par les Djs des radios étrangères, chargé de guitares saturées et de rythmes mécaniques. Du côté de Düsseldorf, c’est le premier groupe de musique électronique au monde qui va émerger: Kraftwerk. Le label Le Son du Maquis et son créateur et directeur Philippe Pierre-Adolphe ont voulu rendre hommage à cette période exceptionnelle dans l’histoire de la musique. « Le concept de la compilation est tellement galvaudé; je trouve qu’il est important de trouver une idée, un angle. Nous avions déjà réalisé une compilation pour l’anniversaire de Mai 68. ». Aux côtés de Pascal Bussy, grand connaisseur de la période et auteur d’un ouvrage sur Kraftwerk, Philippe Pierre-Adolphe va s’efforcer de couvrir sur près de 30 ans les aventures musicales d’une génération déchirée. Du punk de Nina Hagen au groupe anarchiste Einstürzende Neubauten, en passant par Neu! ou Can, formations krautrock emblématiques, le spectre était large à couvrir: « Il y a des groupes tout de même très influencés par le rock américain et anglais des 70’s, qui submergeait tout à cette époque. Ils sont surtout présents sur le premier cd de la compilation. Il y a ceux qui étaient très politisés, surtout originaires de Berlin. ». On pourrait croire que le Mur et le passé proche de l’Allemagne auront été des facteurs déterminants dans l’explosion de groupes à l’esprit libertaire. Mais c’est avant tout dans la rigueur des compositions, dans la recherche d’une nouvelle écriture musicale que se sont concentrés les artistes rock et électro. « Même s’il y a avait une réaction contre les règles sociales, tout ce qui concernait le passé proche du pays était entouré d’une omerta, d’un sentiment de culpabilité. Et puis à l’Est, les groupes contestataires n’avaient aucune visibilité. ». Illustré de photographies d’époque et remixée par les soins de Caroline Cartier, Berlin 61-89: Wall of Sound constitue un véritable témoignage d’une période douloureuse, que le monde de la musique retiendra comme une des plus belles de l’histoire de l’Allemagne. Une expérience que vous pourrez éprouver en direct sur les ondes, puisque la compilation sera diffusée toute la journée du 9 novembre sur les antennes de Radio France dans le cadre de « Radio France fait le Mur ».

Benjamin Bottemer