« Aujourd’hui je vois des femmes lesbiennes de 20 ans qui disent vouloir des enfants, pour moi c’était Mars ! », plaisante Isabelle*, 52 ans, professeure d’allemand. « Jusque-là, le parcours consistait à s’accepter d’abord en tant qu’homosexuelle puis de s’assumer en tant que telle », confesse la quinquagénaire.

Cette femme pour qui la maternité était inenvisageable se découvre une envie soudaine au moment de la grossesse de sa sœur. C’est un tournant dans sa vie. « J’ai pris conscience qu’avoir un enfant, ça pouvait m’intéresser », révèle Isabelle. Elle avoue ses incertitudes et ses doutes : « J’étais quand même planquée. Mes parents n’étaient pas au courant que j’étais homo, ça m’énervait de me mettre une étiquette ». Commence alors une remise en question de son mode de vie. « Je vivais en Allemagne, j’avais aussi pas mal d’incertitudes à propos du futur », explique-t-elle.

Isabelle se rapproche alors de l’APGL (Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens). Elle se renseigne sur l’homoparentalité. La procréation médicalement assistée (PMA) ne s’est pas imposée d’office. « Nous avions d’abord pensé à l’adoption. Sauf qu’un jour, j’ai entendu à la radio, un psychiatre tenir un discours alarmant», explique Isabelle. Celle-ci justifie son choix, expliquant que « l’idée n’était pas d’avoir un enfant rien qu’à moi mais je voulais le voir grandir de A à Z ». Le recours à un IAD, c’est-à-dire à une insémination artificielle avec don de sperme, apparaît comme la meilleure option puisque Isabelle souhaitait porter l’enfant. De nouvelles questions se posent alors. Faut-il faire appel à un donneur connu, semi-connu ou anonyme ? « Ma compagne avait peur de ne pas avoir sa place », confie-t-elle. Le donneur anonyme s’impose alors.

Un parcours semé d’embûches

Après un contact avec les Pays-Bas, le couple se dirige vers la Belgique. Un premier hôpital belge envoie paître les jeunes femmes car ce dernier croule sous les demandes. Un des médecins lui lance même : « Balayez devant votre porte, changez les choses en France ». Elle s’effondre. Finalement, le professionnel de santé oriente le couple vers un hôpital bruxellois. Après un entretien avec les soignants et non un examen psychologique sous forme de test, le processus de procréation médicalement assistée débute. « Ce n’est pas du tout médicalisé, on discute un peu avant, on nous met à l’aise. Les médecins ne sont pas en blouse blanche, personne ne vous regarde de travers », témoigne-t-elle.

La grossesse est suivie en France par un gynécologue, un suivi somme toute classique, pour une grossesse classique. Au total, le couple a eu trois enfants du même donneur, tous portés par Isabelle. Devenus adolescents, « ils se sont bien intégrés, ils sont bien dans leur peau, il n’y a aucun problème majeur », fait remarquer la maman. Pourtant, des propos déplacés et homophobes leurs sont parfois adressés de manière épisodique, comme au plus fort de la Manif pour tous par exemple.

Reste la question de la reconnaissance légale. « Bah là, c’est clair et net, y’a rien ! », souligne la quinquagénaire. L’une des options possibles est de faire une demande d’adoption, mais la décision relève du juge et « parfois ça peut être une vraie torture ! ». En ce qui concerne la situation d’Isabelle et de sa compagne, aucune procédure n’a été entamée pour diverses raisons. « Il y avait une brèche avec le mariage pour tous (2013), mais ça n’allait plus trop avec mon amie donc on n’est pas allé jusque-là », regrette-t-elle.

*Le prénom a été modifié