Parole d’experte

Catherine Kellner, professeur et enseignante en Information Communication à l’Université de Metz s’est intéressée aux non usages des nouvelles technologies. Dans le cadre d’une étude qui prendra fin en 2010, elle a interrogé avec deux autres collègues quatorze acteurs sociaux. Educateurs spécialisés, éducateurs jeunes enfants, médiateurs familiaux, psychologues ou juristes, tous résistent encore à la bulle internet.

Jeux de société(s)

Ce samedi 10 octobre à l’Université de Metz se tenait, dans le cadre d’un colloque sur les médias numériques, une conférence sur les apports et les risques des jeux vidéo. L’occasion de faire un tour d’horizon de l’histoire de ce loisir, et d’en analyser les enjeux, loin des idées reçues.

Celui qui va nous guider à travers près de cinquante années de loisirs vidéo-ludiques s’appelle Sébastien Genvo. Maître de conférences à l’Université de Limoges, il a également œuvré du côté obscur de la Force, puisqu’il a été développeur de jeux vidéo pour l’éditeur français Ubisoft. Il s’efforce désormais de décoder les problématiques qui y sont liées. Du premier jeu vidéo, Spacewar (1962), simulateur rudimentaire de combat spatial développé en pleine guerre froide par des étudiants du prestigieux Massachusetts Institute of Technology, à Super Mario et ses personnages empreints de shintoïsme, c’est à travers l’histoire des sociétés et des cultures que nous voyageons. « Il existe des théories selon lesquelles le jeu est le reflet de la société. Moi je rejoins plutôt la thèse du jeu en tant que laboratoire culturel. C’est un résultat de la culture, mais ça la précède aussi. Par exemple, l’enfant apprend les normes culturelles et de socialisation par le jeu. » explique Sébastien Genvo.

Nous traversons ensuite les années 80 et la « masculinité militarisée » (selon le terme du chercheur Stephen Kline) du jeu vidéo, qui laissera sa place à l’ère de la découverte sublimée, initiée par Nintendo et Mario, le petit plombier qui envahit rapidement toutes les chaumières. Puis c’est la célèbre Wii qui revient à la charge lors des réunions de famille: il s’agit de vendre ce qui est devenu un produit de masse au plus grand éventail de publics possible. Avec les Jeux Massivement Multijoueurs, comme World of Warcraft (1), ce n’est plus la variété que recherchent les développeurs, mais la fidélisation, le plus grand degré d’implication possible. Certains diront d’addiction. Cette conférence est également pour Sébastien Genvo l’occasion de réhabiliter le jeu vidéo en termes de créativité. « On compare souvent l’industrie du jeu vidéo à celle du cinéma en termes de chiffres d’affaires. Mais on en parle jamais en termes de moyens de création et de contenu. ». (Car les jeux responsables et intelligents , appelés « serious games », ça existe). Avec des logiciels tels que Sim City (nous invitant à gérer une ville, de son urbanisme à sa criminalité), ou des titres expérimentaux comme Braid ou Passage (2), place aux questionnements métaphysiques, abordant par exemple les questions du couple, de l’apprentissage, des choix que nous sommes amenés à faire dans notre existence.

En guise de conclusion, Sébastien Genvo se veut rassurant: « les jeux vidéos constituent des représentations du monde, qu’il convient d’interroger. Ce sont des portes d’entrée vers la technologie, qui nous apprennent à explorer, à faire face à la multiplicité, pour survivre à l’âge du chaos numérique. ». Nous voici armés jusqu’aux dents pour passer à un niveau supérieur de compréhension.

Sébastien Genvo nous parle du jeu World of Warcraft:

Sébastien Genvo nous parle du jeu Braid:

Des seniors bien sympa « TIC »

10 octobre, 9h30, Université Paul Verlaine de Metz. Un colloque sur les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) se prépare.

Les curieux du samedi matin arrivent . L’amphithéâtre se remplit, en majorité de têtes grises… Les papis et mamies du troisième millénaire sont friands d’une meilleure connaissance sur le sujet. Alors que les plus concernés restent les jeunes, les nouvelles technologies ne laissent pas les seniors insensibles. Évolution des mœurs ou stratégies marketing, ils sont de plus en plus nombreux à surfer, et à s’adonner aux loisirs jusque là réservés aux têtes blondes. Mais attention, rien n’est gagné. Les TIC parfois ça démange, et certains membres du public ne se gênent pas pour le faire remarquer. « Je m’y suis mis récemment », lance Jean-Marie en parlant d’internet, « avant, ça me donnait des boutons. »

Selon une étude de Médiamétrie datant de juin 2009, les seniors seraient la tranche d’âge ayant connu la plus forte progression en dix ans. Le nombre d’internautes chez les 65 ans et plus a été multiplié par 116. Un chiffre qui ne renseigne pas plus sur leurs usages. Recherchant une information pratique et de qualité, ils demeurent méfiants. « J’utilise internet seulement quand j’en ai besoin, après j’éteins l’ordinateur », affirme Lucien. Pourtant, le net déploie régulièrement sa séduction auprès des grisonnants. Le nombre de sites consacrés aux retraités augmente d’années en années. Senioractu.com, super-grandparents.com, ou encore notretemps.com, tous on intégrés l’information primordiale : les plus de 50 ans représentent 24 % des cyberacheteurs français.

Les opérateurs téléphoniques l’ont aussi bien compris. Un sondage réalisé en Aout 2008 par TNS Sofres révèle que 54% des 60 ans et plus possèdent un téléphone portable. Un chiffre en constante progression. On voit alors apparaître des téléphones plus simple d’utilisation, comme le Easy 5 ITT, téléphone à cinq touches. Mais attention à ne pas prendre nos grands-parents pour des benêts. En pleine conférence de Corinne Martin sur les téléphones portables, une sonnerie retentit. Un monsieur d’un âge avancé éteint son portable, tout ce qu’il y a de plus normal…

Le secteur des loisirs suit de près ses camarades de l’internet et du mobile. Sortie en 2005 en Europe, la Nintendo DS a connu un fort succès auprès des seniors. Il faut dire que les offres sont plutôt alléchantes. Toute une gamme de « Brain Training » a vu le jour ces quatre dernières années. Des jeux censés stimuler le travail cérébral des aînés. La Wii n’a pas à rougir non plus. Une manette à manipuler devant un écran, quoi de plus simple. Elle commence même à s’inviter dans les maisons de retraites. Les seniors, un secteur d’activité en devenir pour la sphère du « TIC business ». De quoi se poser d’ores et déjà la question de l’addiction… « Les jeux vidéos, ça n’est pas ma tasse de thé ! », s’exclame Bernard, qui ne se transformera pas en « papi geek ».

Nastassia Solovjovas, Benjamin Bottemer