Rémi Ochlik a été tué le 22 février 2012 à Homs (Syrie) lorsque le centre de presse où il se trouvait fut bombardé. Après une enquête préliminaire ayant permis de rapatrier son corps et de procéder à une identification, le parquet de Paris a ouvert en juillet une information judiciaire contre X pour homicide volontaire sur sa personne. Maître Joseph-Amschler, avocate de la mère du photographe évoque même la possibilité d’une implication de la rebellion syrienne.

Pour l’heure, que savons-nous des circonstances de la mort de Rémi Ochlik ?
Rémi Ochlik était parti dans un premier temps en Syrie pour Paris Match où il accompagnait un journaliste reporter. Mais le journal avait décidé de les rapatrier car c’était trop dangereux. Rémi Ochlik est reparti seul, en freelance. Il est entré à Homs dans des circonstances encore floues, sans doute par les biais de passeurs et a été accueilli dans un centre de presse qu’avaient aménagé les rebelles sur place, en compagnie d’Edith Bouvier, reporter au Figaro, et Marie Colvin, reporter américaine. Ce centre de presse a été la cible de bombardements le 22 février, vers 8h30. Entre 4 et 5 obus ont été tirés sur le centre, à priori par l’armée syrienne. D’après les éléments de l’enquête, Rémi Ochlik et Marie Colvin seraient décédés sur le coup et Edith Bouvier a été grièvement blessée (double fracture des fémurs). Elle a clairement exprimé le sentiment que le centre de presse a été délibérement visé. Mais cet élément demande justement a être vérifié dans le cadre de l’information judiciaire qui a été ouverte.

Après le décès de Rémi Ochlik, le procureur de Paris a immédiatement ouvert une enquête préliminaire. Quel était son objectif ?
Pour pouvoir dans un premier temps identifier son corps, le rapatrier puis faire des prélèvements ADN sur sa mère. Il est obligatoire d’avoir un cadre légal pour ce type de procédure. Le 2 mars 2012, cette dernière est entendue au commissariat de police de Thionville. Une autopsie du corps a été faite à Paris pour déterminer les causes du décès. Une perquisition a eu lieu au domicile du photographe dans la région parisienne pour voir s’il y avait éventuellement un ordinateur sur lequel il aurait pu s’envoyer des mails ou des photos. Les policiers y ont également pris des vêtements afin de comparer l’ADN trouvé sur le corps. Son amie a été entendue, tout comme son associé, Christophe Bertolin,le journaliste de Paris Match qui était initialement parti avec lui et un journaliste espagnol d’El Mundo. Son appareil photo a aussi été récupéré sur place tout comme son ordinateur portable.

Avec tous ces éléments, le Parquet de Paris a donc décidé d’ouvrir une information judiciaire.
Oui, le 6 juillet, un juge d’instruction est saisi, Mme Sabine Khéris. Deux chefs de poursuite contre X : homicide volontaire au préjudice de Rémi Ochlik et tentative d’homicide volontaire au préjudice d’Edith Bouvier, les deux affaires étant traitées dans le même dossier. Le 27 août, la mère de Rémi Ochlik est avisée par le juge d’instruction que l’information judiciaire a été ouverte. Le 6 septembre, celle-ci lui a écrit pour dire qu’elle se constituait partie civile.

Aujourd’hui, où en est l’enquête ?
Depuis septembre, le juge d’instruction est saisi, mais je ne suis pas au courant des avancées : des commissions rogatoires internationales ont été ouvertes, qui chargent des enquêteurs d’interroger des personnes, d’effectuer des perquisitions… Tant que ces investigations sont en cours, elles ne figurent pas au dossier. Nous sommes donc dans l’attente de nouveaux éléments, nous n’avons rien à demander avant d’avoir pu examiner les résultats des commissions rogatoires. L’information judiciaire a été ouverte contre X, mais nous savons à peu près qui est “X” : les autorités syriennes en place actuellement, ce qui rend l’enquête très difficile sur place. La mère de Rémi Ochlik est parfaitement lucide sur les difficultés qui vont se poser pour obtenir la moindre information crédible et exploitable, et elle sait que l’enquête pourrait durer des années.

L’objectif principal de cette enquête est donc de découvrir la vérité sur ce qui s’est passé. Des hypothèses ?
À priori, tous les journalistes ont été regroupés dans ce centre de presse et auraient pu être repérés par les services syriens car l’un d’eux disposait d’un téléphone portable. Une autre piste serait une mise en scène par les rebelles, qui auraient fait en sorte que la cachette des journalistes soit bombardée pour crier ensuite au meurtre et faire bouger la communauté internationale. Cette affaire n’est peut-être pas si simple que ce que l’on a cru dans un premier temps, car la cause des rebelles a clairement été servie par cet événement, qui a mobilisé la presse internationale.

Si des coupables sont identifiés, où se déroulerait le procès ?
La victime étant un ressortissant français, il pourrait se dérouler en France, par le biais d’un mandat d’extradition ou devant un tribunal pénal international. On peut imaginer par exemple un procès contre l’État syrien, avec extradition des gouvernants. Ce ne serait pas simple mais juridiquement envisageable.