Débutée en 2011, la saga 50 nuances est forte d’un succès sans précédent en France et dans le monde. Un essai transformé par son adaptation au cinéma, dont le dernier volet est sorti le 9 février 2018. De quoi, une année encore, être à l’affiche au moment de la Saint-Valentin.


L’engouement pour la saga 50 nuances, romance érotique écrite par E. L. James, n’est plus à démontrer. Depuis son lancement en 2012, la sulfureuse histoire d’amour entre Anastasia Steele et Christian Grey, étudiante en littérature et homme d’affaires richissime, s’est écoulée à 7 millions d’exemplaires dans l’Hexagone. Un succès qui a poussé Magali Bigey, maître de conférences à l’université de Franche-Comté, à décortiquer le sujet avec l’un de ses collègues, Stéphane Laurent. « Quand 50 nuances de Grey est arrivé, je me suis dit : ‘‘ce serait quand même bête de ne pas comprendre l’engouement qu’il y a eu autour de la trilogie des livres d’abord, et ensuite des films’’ » affirme-t-elle.


« Tiens, je vais lire un porno aujourd’hui »

Magali Bigey souhaitait donc comprendre. Comprendre pourquoi, en ses termes, « tout le monde un matin s’est levé et s’est dit : ‘‘tiens, je vais lire un porno aujourd’hui’’ ». Elle poursuit : « il y a plus de 84 % des gens qui n’avaient jamais ouvert un livre de ce genre. C’est vraiment une curiosité de chercheur ». L’enquête, toujours en cours, est une enquête de réception, « c’est à dire complètement indépendante de la prétendue qualité ou non-qualité des livres, du film » explique la chercheuse. « Ce qui nous intéresse, c’est le phénomène et la réception que le lectorat ou les spectateurs en ont ». De ce postulat ont découlé quatre phases :

  • Une enquête de réception courant 2013,

  • Un an après la sortie des livres, une enquête auprès du public de fans,
  • À la sortie du premier film, une enquête de réception du film pour lui-même et du film par rapport au livre,

  • Et une dernière enquête actuellement en cours sur la réception du dernier film et de l’ensemble de la saga, livres et films.

Bien que l’étude ne soit pas tout à fait terminée, plusieurs phénomènes se dégagent. « Le premier c’est que c’est une histoire de légitimation » raconte Magali Bigey. La chercheuse fait le parallèle avec la mention « vu à la télé », courante il y a quelques années. « Puisque mes potes m’en parle, mes copines, mes collègues de bureau, etc, c’est légitimé donc je peux aller voir aussi ».

Second phénomène : la machine marketing engendrée par cette curiosité. Cette dernière est d’autant plus palpable que chaque film (50 nuances de Grey en 2015, 50 nuances plus sombres en 2017 et 50 nuances plus claires en 2018) est sorti peu avant la Saint-Valentin. Un constat qui n’étonne pas Magali Bigey. « À chaque fois qu’il y a un Star Wars qui sort, il y a une soirée spéciale avec trois Star Wars. Donc pourquoi pas [pour la saga romantique] s’engouffrer dans cette brèche là ? » soutient-t-elle. Présente à un événement 50 nuances pour recueillir des témoignages, les observations de la chercheuse sont sans appel. Pour la plupart des couples et groupes d’amis, « c‘est la publicité qui avait été faite autour de cette soirée qui [les] avait intrigué ».


À Épinal, hommes au foyer

Pour l’édition d’Épinal, c’est Sabrina Germain qui s’est chargée d’organiser la soirée 50 nuances. Le 9 février à 20h, 280 personnes étaient attendues. Un moment exclusivement réservé aux femmes. « Il y avait un dress-code de prévu […] Dans le dernier, ça parlait de mariage donc elles sont toutes venues avec un voile de mariée » raconte l’organisatrice. « De 20h à 21h30, elles pouvaient faire le tour de tous les partenaires qui étaient là et qui avaient des stands ». Parmi eux : Aux Délices de Guillaume et ses diminués sucrés ou encore Bar Spirit accompagné de ses mojitos. « À 21h30, on est monté dans la salle de cinéma que j’avais privatisé ».

Sabrina Germain rejoint Magali Bigey sur les raisons qui l’ont poussé à travailler sur 50 nuances. « C’est surtout l’engouement. Tout ce qui se passait autour de moi, entendre les gens en parler » raconte l’organisatrice. « Engouement » semble être le terme approprié. Plus de 7000 personnes se sont montrés intéressées par la soirée. Et les déçus ne seront pas satisfaits de si tôt. Généralement, ces moments servent à amplifier l’impact d’un film à sa sortie.

7 400 intéressé(e)s pour seulement 280 présentes, la soirée 50 nuances d’Épinal a fait des déçus.